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Quelque part, dans un tuyau de poële sous la mer Empty Quelque part, dans un tuyau de poële sous la mer

Mar 11 Nov 2008, 21:33
Une pluie fine tombait sur Brest en cet automne 1942, une de ces pluies qui vous trempe jusqu'aux os. L'équipage s'était massé sur le pont, dédaignant la pluie, profitant d'être à l'air libre, après avoir passé deux semaines enfermés dans leur fichue boite à sardine. Quelques-uns fumaient une clope, d'autres observaient en silence le sillage de leur sous-marin, d'autres enfin laissaient leurs yeux se perdre dans les ténèbres. Le vacarme du moteur diminua, tandis que le navire virait docilement à tribord. Bientôt, les hommes postés sur le kiosque aperçurent enfin les lumières du port. La vitesse fut réduite à 5 noeuds, et le U-boat continua paisiblement sa route pendant quelques minutes.
Un matelot qui fumait à l'avant fut le premier à l'apercevoir. Une grande silhouette se découpant dans l'obscurité. Ça y est. Ils étaient arrivés. Un petit remorqueur apparut bientôt à bâbord et leur lança une remorque, tandis que la vitesse était encore réduite. Le remorqueur vint à couple, et, pendant que son équipage passait les amarres, un homme sauta sur le pont du sous-marin avec agilité. Il se dirigea tranquillement vers le kiosque et monta l'échelle. Arrivé dans la « baignoire », qui n'avait jamais aussi bien porté son nom, il salua l'officier qui semblait commander la manoeuvre.
-Bonsoir, commandant. Bienvenue à Brest.
L'officier répondit d'un bref signe de tête, et désigna du menton un petit homme situé à l'arrière de la baignoire. L'homme se retourna, et le héla.
Veuillez me rendre au plus vite votre rapport de mission.
Sans ajouter un mot, il se retourna, redescendit l'échelle et remonta à bord du remorqueur avec la même agilité que quelques minutes plus tôt. Pendant ce bref échange, à peine qualifiable de dialogue, le remorqueur avait poussé ses diesels à fond, et tirait le submersible qui venait de stopper ses propres moteurs vers la grande forme noire.

Alors que le remorqueur poussait le U-boat vers le U-bunker de Brest, un jeune officier monta sur le kiosque, puis salua le commandant. Il portait une valise noire à serrures, visiblement chargée de papiers.
-Commandant, voici notre rapport de mission. Jürgen a fini de le taper à l'instant.
-Merci Kurt, vous pouvez disposer. Alors que le jeune homme se retournait, le commandant ajouta dans sa barbe de deux semaines « Foutue paperasse administrative... ces bureaucrates ruineront toute force armée»

Le U-boat, toujours poussé par le remorqueur, entra bientôt dans le bunker. Les deux bâtiments furent bientôt happés dans l'obscurité la plus totale, comme si un énorme monstre venait de les avaler. Les seules lumières étaient celles des échappements des diesels, et des cigarettes des hommes sur le pont du sous-marin.
Tout d'un coup, la lumière inonda la scène, aveuglant les hommes qui, après quelques secondes, distinguèrent leur environnement : une immense salle, de plusieurs dizaines de mètres de long, aux murs de béton.
Le sous-marin fut bientôt amarré au quai, tandis que, de l'autre côté du bassin, les marins apercevaient un autre U-boat. Le code U-74 était à peine visible, couvert d'huile, comme le reste du bâtiment, qui portait de nombreuses entailles à l'acier de sa coque. À y regarder de près, il gîtait même légèrement. Ils détachèrent leurs yeux de ce navire blessé quand les haut-parleurs commencèrent à rugir :
équipage sur le quai ! Équipage sur le quai !
Du haut du kiosque, le commandant observait en silence la manoeuvre. Une passerelle fut installée, puis une seconde. En quelques minutes, l'équipage avait débarqué. Ne restaient à bord qu'une dizaine de techniciens basés à terre, qui veilleraient à l'état du navire durant l'absence de son équipage. Un planton se présenta bientôt au commandant et salua :
-Bonsoir commandant, mes respects. L'amiral vous demande de le rejoindre incessamment dans ses quartiers personnels.
-Bien.
-J'ai avec moi un homme qui a pour mission de récupérer vos affaires personnelles, commandant.
-Ah. Très bien. Je vous suit alors.
Le planton conduisit le commandant à travers plusieurs couloirs, essayant vainement de faire la conversation, sans grand succès. Enfin, ils arrivèrent dans les bureaux de l'amirauté. Le commandant fut bientôt introduit auprès de l'amiral. Le bureau de ce dernier était modeste, mais chaleureux. L'amiral se tenait sur sa chaise, tassé, visiblement préoccupé. Il se redressa à l'entrée de son visiteur et s'exclama :
-Ah, Capitaine Rall !
-Mes respects amiral répondit le commandant Gunther Rall, se mettant au garde-à-vous.
-Repos, repos, commandant. Bon, venons-en aux faits, car je suis très prit.
-Comme vous voudrez amiral.
-Vos récents succès sont arrivés jusqu'à mes oreilles, capitaine. Vous avez brillamment servi notre pays, et je vous en suis personnellement reconnaissant...
-Amiral, s'il s'agit d'une médaille, citation ou quelque autre distinction, je vous en prie, on a dû vous informer que je les considérai comme sans valeur.
-On m'en a parlé, en effet, mais il ne s'agit pas de cela. Néanmoins, si je puis vous donner un conseil capitaine, veillez à ne pas vous faire remarquer. L'amirauté a fermé les yeux sur pas mal de choses, votre refus d'instaurer le salut allemand(s) à bord de votre navire, le refus de porter un verre à notre Führer à maintes reprises...l'Allemagne a besoin de héros, capitaine. La population doit rester derrière nous pour que la victoire soit complète. Mais revenons à nos moutons...
-Amiral ?
-Comme je le disais, vos récents succès sont arrivés jusqu'à nos oreilles, et nous avons décidé de vous récompenser en vous confiant un nouveau commandement.
L'amiral fouilla un instant dans la masse de papiers posés sur son bureau et en retira une feuille chiffonnée.
-Voilà. L'amirauté vous nomme au commandement du U-28, qui est arrivé à br est il y a deux semaines.
-Amiral, ceci est pour moi un très grand honneur. Puis-je vous soumettre, cependant, une requète ?
-Faites commandant.
-Je souhaiterai conserver l'équipage de mon Edelweiss, à bord de mon nouveau bâtiment. Et je souhaiterai aussi baptiser personnellement le U-28.
-Accordé. Quel sera son nom ?
-Le Luftspiegelung. Il s'appellera le Luftspiegelung.
L'amiral sourit un instant, puis, reprenant son sérieux :
-Bien. Vous pouvez disposer commandant. Vous trouverez dans ce plis vos ordres. Bonne mer, et bonne chasse !
Amiral.
Le commandant sortit, et se dirigea, toujours impassible, vers le bureau des affectations. Sans un mot il présenta sa feuille d'affectation. Une jeune femme apparut comme par magie et invita le commandant à la suivre.
Après dix minutes de marche à travers le dédale des couloirs du U-bunker, son guide s'arrêta, et, désignant au commandant une énorme porte blindée, murmura.
-C'est ici commandant.
Les deux hommes de garde ouvrirent la gigantesque porte à double battants, dévoilant un quai semblable à celui où le commandant Rall était arrivé, une heure plus tôt. Décidément, les choses ne traînaient pas ici, à Brest, se fit-il la réflexion. Sa jeune guide le précéda et, désignant une énorme silhouette sur laquelle une dizaine d'hommes s'affairaient, elle dit :
-Le voici commandant : le U-28. Comment s'appellera t-il ?
-Le Luftspiegelung.
Là aussi, un sourire éclaira un instant le visage de son interlocutrice.

Le lendemain, une activité fébrile régnait sur le quai. L'équipage prenait possession de sa nouvelle monture, les techniciens du U-bunker vérifiaient une dernière fois le navire, les hommes de l'approvisionnement se croisaient sans cesse, apportant des caisses de vivres, des obus, du carburant... Adossé à une rambarde de sécurité, sur un balcon dominant le quai, Gunther Rall observait la scène d'un oeil distrait. En fait, il admirait son nouveau commandement. Il éprouvait une sorte d'attirance envers ce navire, une attirance quasi-sexuelle.

L'équipage chargeait une torpille. À présent, ils l'avaient hissée à bord et entreprenaient de la faire descendre dans le poste torpille. Ces nouvelles anguilles de 533, équipées d'une nouvelle tête à explosif brisant...il en avait entendu parler, mais c'était la première fois qu'il en embarquait. D'après ce qu'on avait bien voulu lui dire, leur développement avait été plus long que prévu, et l'arrivée des premières armes à Brest avait été retardée, le chemin de fer ayant été bombardé par la RAF.

-Commandant ? Dit une voie féminine, derrière lui.
-Hum ?
-Nous avons fait monter vos affaires personnelles à bord.
-Ah, parfait, Erika. Parfait.
-L'équipage m'a chargé de vous dire que le ravitaillement serait terminé à 17H00, comme vous le souhaitiez. En revanche...
-Quoi ? Encore un retard ?
-Commandant, une des torpilles avait été mal amarrée, et... lorsqu'on a chargé une autre torpille et qu'on l'a amarrée sur le berceau adjacent, la première s'est détachée et a roulé.
-Himmelteufel ! Pas de blessés ?
-Non commandant, un miracle. Mais l'arme a été endommagée et le berceau aussi... il a fallu réparer, en conséquence de quoi le réarmement ne sera terminé qu'à 23H00.
-Ach. Bon, ayez l'obligeance de signaler au commandement que l'appareillage du U-28 sera retardé à 01H30.
-Bien commandant.

Après plusieurs heures passées à superviser personnellement le chargement des torpilles, le commandant Rall était affairé à planifier sa route avec son officier de navigation dans le C.O. quand un planton lui signala qu'on le demandait sur le quai.
Quelque peu interloqué, le commandant, s'interrogeant sur l'identité de cette personne, excusa son interlocuteur et monta sur le pont. Sur le quai l'attendaient non pas une mais trois personnes. Erika, chargée de la supervision de l'approvisionnement, le commandant de l'escadre de Brest, ainsi que, dans une chaise roulante, le commandant du U-74.
-Messieurs, que me vaut l'honneur ?
-Gunther, commença Erika, le haut commandement signale la présence probable d'un sous-marin adverse à la sortie de la rade.
Vous avez ordre d'éviter le combat. Un de nos escorteurs va sortir et tenter de débusquer l'intrus. On nous signale que des patrouilleurs rapides ennemis opèrent au Nord. Vers où comptez-vous aller ?
-Ces patrouilleurs sont sans intérêt...je vais plutôt sortir tranquillement, et chasser les navires ennemis se présentant au Nord-ouest. On nous y annonce de gros cargos, bien juteux, en provenance ces états-unis.
-Eh bien, bonne chance commandant. Au plaisir.
Les deux hommes se serrèrent la main et le commandant de l'escadre de Brest tourna les tallons, tandis qu'un jeune homme poussait la chaise du capitaine du U-74. Ce dernier ajouta sombrement :
-Bonne mer capitaine. Puissent les cieux vous être plus favorables qu'à moi et mon bâtiment.
Seule restait Erika, qui ajouta malicieusement en partant:
-Au fait capitaine. Si vous repassez à Brest...donnez moi de vos nouvelles.
Quelque peu interloqué, le commandant la regarda partir. Au bout de quelques secondes, il haussa les épaules et s'en retourna préparer l'appareillage de son navire.

Cinq heures plus tard, alors que l'aube pointait, le U-28 Luftspiegelung appareilla. Sur le pont l'équipage, souriant, mais tendu, saluait les hommes restés sur le quai. Le commandant quand à lui dégustait un café, et plaisantait avec son officier torpilleur :
-Je vais me raser la barbe quand nous aurons plongé, Mark. Et je la laisserai pousser jusqu'à ce qu'on rentre au port.
-D'accord commandant ! Vous voudrez bien être notre père noël ?
-Ach Mark, on n'a pas emmené le sapin, ils n'en avaient pas en stock !
-Dommage commandant. Mais qui sait, peut-être fourgueront-nous nos anguilles rapidement et rentrerons au port avant noël.
-J'espère Mark, j'espère.
Se retournant pour observer les hommes massés sur le quai, le commandant crut entrapercevoir, au milieu d'eux, une silhouette plus féminine.

Il était 7 heures. Le soleil pointait à l'horizon. La mer était déserte. Le commandant observa une dernière fois le ciel, inspira une dernière fois de l'air pur, puis descendit l'échelle. L'écoutille se referma sur le bleu du ciel avec un bruit sec, métallique.
- Alarm !! Alarm !! Plongée, 20 mètres !
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Dim 15 Fév 2009, 11:57
Le Luftspiegelung se frayait un chemin dans la purée de poids, de toute la puissance de ses moteurs, laissant derrière lui un long sillage vaguement teinté d'huile et d'essence. Le commandant en second, Hartensein, était de quart, le Kaleunt Rall se reposant après une journée de veille. Il observait calmement la nuit, les flocons de neige qui tombaient en désordre sur le pont, aussitôt balayés par les vagues. Luttant contre le froid ( d'après l'officier météo, il faisait moins quatre, ce qui, avec le vent relatif, était particulièrement pénible pour l'équipe de veille ), il scrutait la mer. Là bas. Quelque part, un remorqueur de haute mer les attendait. Hartensein se sentait rassuré : le Luftspiegelung ne manœuvrait qu'avec peine, le gouvernail ayant été gravement endommagé par des charges ASM. Le remorqueur ne serait pas de trop pour aider le U-boat à se glisser à travers les champs de mines, bancs de sable et autres récifs situés dans les chenaux.

Un veilleur, sur sa gauche, cria " navire par tribord avant ! "
Le second porta immédiatement son regard vers la zone désignée, et, après quelque secondes, distingua lui aussi la masse sombre : vu la taille, ce n'était sûrement pas un remorqueur. Il porta la main à son porte-voix, tout en faisant signe à un homme de quart de prendre la lampe à signaux. Mais le gros bâtiment de surface les avait déjà repérés. Il passa à toute allure sur leur avant tout en lançant fébrilement des signaux de reconnaissance. Le U-28 fut secoué comme un fétu de paille en croisant le sillage du bâtiment, l'avant plongeant, remontant, et ainsi de suite, aspergeant copieusement l'équipage, la baignoire n'ayant jamais aussi bien porté son nom. Le second identifia le signal comme amis, et demanda de transmettre le code d'authentification.
Quinze minutes plus tard, le navire, entre-temps identifié comme un destroyer 1936B, se présenta le long du sous-marin et lança des cordages. Le commandant du Z-27 transmit rapidement à Hartensein un plis à faire parvenir au Kaleunt Rall. Le destroyer ne s'attarda pas et partit patrouiller à la recherche d'éventuels et improbables navires ennemis. Le second du U-28 envoya un matelot transmettre le plis au capitaine, et reprit sa veille.
30 minutes plus tard, le commandant, dans son imperméable noir, arrivait sur la baignoire. Hartensein s'approcha :
- " Bonsoir capitaine. Quels sont nos nouveaux ordres ?
- Pas de changements dans l'immédiat. On rentre à la maison. A ce propos, ou est ce fichu remorqueur qu'on nous avait promit ?
- On l'attend toujours commandant. Mais avec ce temps, il pourrait passer à cent mètres et nous manquer.
- Vrai. Bien, je descend voir le chef mécano, voir si on peut forcer l'allure.
- N'y comptez pas trop, capitaine. à moins de décoincer les cylindres du moteur n°2...
- On va essayer "


Comme le commandant s'y attendait, impossible de forcer l'allure. Avancer à douze nœuds était déjà pas mal, se fit-il remarquer : il y avait vingt centimètres d'eau dans la salle des machines, le presse-étoupe montrait des signes de faiblesse, un moteur fumait... l'inventaire des dommages se poursuivait : un tube fissuré, les barres de plongée avariées, le gouvernail à demi bloqué, le périscope n°1 détruit, les réservoirs crevés....

Fort heureusement, à l'aube, le remorqueur arriva. Il avait tourné toute la nuit à la recherche du sous-marin, avant de le repérer. Le U-28 put enfin couper ses moteurs et se laissa remorquer. A l'arrivée à Kiel, trois escorteurs se présentèrent, encadrant le U-boat en remorque.

Le Luftspiegelung fut conduit au quai quatre, sur lequel une petite foule attendait. Trois petits pousseurs amenèrent en douceur le navire à quai, tandis que l'équipage montait sur le pont, et regardait le port, d'un blanc immaculé. Les amarres furent passées, doublées, la coupée installée. Le commandant avait supervisé les opérations du haut de la baignoire.
Vu du quai, le sous-marin était dans un état pitoyable : la coque présentait de nombreuses déchirures, morsures, des plaques entières de tôle avaient été arrachées, du carburant et de l'huile se répandaient tout autour... l'équipage n'était pas dans un meilleur état : une bonne douzaine d'hommes présentaient des blessures diverses : bras en écharpe, bandages, atèles....

L'amiral Doenitz, suivi par plusieurs autres haut gradés, s'avança sur le quai.

Le Klt Rall se tourna vers son second :
- " Dites à l'équipage de préparer ses affaires et de les emmener sur le quai. "
Hartensein ne broncha pas : tout le monde s'en doutait : leur sous-marin en avait pour des semaines entières de réparations, voire plus.

L'amiral Doenitz fit signe au Klt Rall de le suivre et lui demanda son rapport de patrouille, ce que le capitaine du U-28 s'empressa de faire. Satisfait, Doenitz hocha la tête. " Klt Rall, le Reich est fier de vous. Vous avez toute latitude quand au choix du matériel pour votre prochaine opération "

L'équipage monta dans trois camions, tandis qu'une voiture d'état-major emmenait le Klt Rall vers les chantiers.
Un jeune officier subalterne conduisit le Klt Rall, lui désignant les navires en achèvement ou en attente d'armement les uns après les autres. Il y avait ici une bonne vingtaine de U-boat, plus de nombreux autres en construction à des stades plus ou moins avancés.
"Et maintenant, capitaine, si vous le voulez bien, je vais vous montrer un navire dans lequel nous avons placé nos espoirs. "
Une horde de mécaniciens travaillaient sur un type I en cale sèche, deux vieux IIa étant en révision un peu plus loin. Le Klt Rall suivit son guide dans le dédale des chantiers, et, enfin, après avoir monté une volée de marches, ils arrivèrent sur une passerelle dominant une vaste cale sèche. Deux sous-marins de type VIIc/41 étaient en achèvement, et leurs imposantes coques masquaient partiellement un troisième U-boat, monstrueux. Il devait faire au bas mot vingt mètres de long de plus que les autres, et, malgré la distance, son diamètre semblait largement supérieur à celui du VIIa que Rall avait eu sous son commandement.
- " Magnifique...
- N'est-ce pas ?
- C'est...
- Le nouveau type IX. Un IXd2. Il est deux fois et demi plus lourd que votre ancien navire.
- Superbe. Ce bâtiment sera le mien. Quand peut-il prendre la mer ?
- Après-demain si l'on accélère les choses. Il ne reste plus grand chose à installer.
- Bien. Très bien. Veuillez transmettre à l'amiral Doenitz : Je souhaite transférer mon équipage à bord de ce navire. Je veux aussi une vingtaine d'hommes déjà formés sur ce type de bâtiment, et un nouveau système radio.
- Des recommandations quand au chargement de votre nouveau navire ?
- Charge maximale de torpilles, faites aussi le plein de carburant.
- Bien commandant. Au fait, comment sera t-il baptisé ? "

Le Klt Rall mit quelques secondes avant de répondre... Oui. Ce navire était magnifique. Il le sentait. Sa coque racée, son kiosque aux lignes aérodynamiques sur lequel était peint, en chiffres et lettres d'un mètre de haut son numéro de coque : " U-888"
- " Ce sera l'Edelweïss. Le U-888 Edelweïss. "

Quelque part, dans un tuyau de poële sous la mer Entireiq8

Deux jours plus tard, le U-888 fendait la mer de toute la puissance de ses Focke-Achgelis FA-330, traçant un sillage étincelant dans le soleil d'hiver. Le Klt Rall était sur le pont, et ne cachait pas sa satisfaction. L'Edelweïss était de retour. Les alliés n'avaient qu'à bien se tenir.

Quelque part, dans un tuyau de poële sous la mer U847
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Jeu 05 Mar 2009, 10:04
L'équipage eut tôt fait de maitriser sa nouvelle monture. Après une rapide escale qui permit de refaire le plein et de débarquer quelques torpilles défectueuses, le navire remit en route.
L'étrave pointant droit sur le ciel pourpre, l'Edelweiss laissait une fois de plus le "plancher des vaches" derrière lui. L'équipage était monté sur le vaste pont et profitait du spectacle, goutant avec plaisir aux joies de la vie en plein air.

" Et c'est reparti ! "

Début de la Première campagne du U-888 Edelweiss.
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Mer 11 Mar 2009, 19:41
La mer s'étendait à perte de vue...

Une équipe de veille minimale était sur le kiosque, plus la désormais habituelle "équipe rouge", à savoir deux hommes occupés à réparer une valve de ballast défaillante qui claquait depuis leur dernière plongée.

La visibilité était bonne, la mer peu formée, et une fine pluie s'abattait sur le bâtiment, gênant considérablement les hommes sur le pont.

Ce fut un jeune matelot qui la vit le premier. Une forme sombre, juste sous la surface, par tribord avant. Il appela l'officier de veille : "Mein Leutnant ! ". Ce dernier se tourna juste à temps pour voire l'ombre passer au niveau de l'étrave et... le choc surprit tout le monde. Des hommes tombèrent de leurs bannettes, tout ce qui n'était pas arrimé fut projeté contre les cloisons. Les moteurs se turent aussitôt, le sous-marin continuant sur son aire. Le commandant, l'arcade en sang, fit irruption au central:
" officier de quart ? Qu'est-ce qui se passe ? Ou est le second ? " l'officier de quart se releva avec peine, des éclats de verre plantés dans le bras. " Aucune idée commandant". Nous étions sur le plan de route, je...." .
Un homme dévala l'échelle à l'avant du CO : " mein commandant, on a deux hommes à la mer ! "
L'officier de quart jura. Il n'avait aucune idée de ce qui avait bien pu se passer, et maudissait sa malchance : il n'y avait eu aucune anicroche sérieuse depuis Kiel... et ça arrivait, pendant son quart ! Fort heureusement pour lui, le commandant avait visiblement des priorités autres que de le blamer pour son incapacité à rendre compte du problème.
" Envoyez une équipe, sortez un Dinghy et allez les repêcher. Dites à l'équipe de veille à vue de venir au rapport, immédiatement", puis, se tournant vers l'officier de quart qui n'en menait pas large, " Werner, allez à l'arrière et faites moi un rapport.". Le commandant prenait les choses en main.
Les rapports d'avarie arrivèrent, enfin : " turboalternateur grillé... incendie mineur au local batterie... berceau d'amarrage de la torpille 9 endommagé... 3 blessés au poste torpille ... " et la liste s'allongeait.
L'équipe qui était de veille au moment de l'incident rapporta ses observations : une forme sombre, juste sous la surface, leur avait coupé la route, et les avait visiblement percutés. La suite semblait peu vraisemblable, mais il suffisait de monter sur le pont pour s'en convaincre : cette chose avait éclaté lors du choc, révélant qu'il ne s'agissait pas, comme le commandant le craignait, d'un autre bâtiment : l'U-888 venait de couper en deux une baleine à bosse.

Trois heures plus tard, l'Edelweiss repartait vers sa destination.

Ainsi, ils venaient de remporter leur première victoire, plaisantaient les hommes. Ils avaient éperonné une baleine !
Au moins, ils ne manqueraient pas de graisse.
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Lun 01 Juin 2009, 15:21
Mars 1943 ; 08:00 AM, U-888 Edelweiss, Atlantique Nord, à quelques miles au sud-est de New York

Celà faisait bientôt plusieurs jours que les U-boot cherchaient leurs proies, et rien n'apparaissait à l'horizon. La frustration des hommes était d'autant plus grande qu'on leur avait dit de s'attendre à " un envirronement riche en objectifs ". Encore une fois, les S.R. avaient fait très fort. Il y avait bien ces quelques interceptions de vagues communications radio en anglais, en code apparemment. Ils étaient au moins trois, avait dit le radio. Voilà qui nous fait une belle jambe, pensait sombrement le commandant. L'équipage est paré, le sous-marin aussi, nous sommes à quelques nautiques des côtes ennemies et... rien ! L'Edleweiss avait pourtant réussi jusqu'ici un sans faute : il avait appareillé de Kiel en un temps record, avec un équipage fait de bric et de broc, s'était faufilé sous une meute de destroyers anglais qui n'avaient jamais eu l'occasion de soupçonner sa présence, avait ravitaillé en vitesse à Brest puis foncé à l'ouest pour rattraper ses camarades. Et nous voici à tourner en rond, à chasser des fantômes, ruminait-il. Si seulement ils avaient pu trianguler sur les positions ennemies... mais tous les U-boot n'étaient pas encore à poste. Le Klt Prochnow était tout près, désormais, et le Klt Kalec fonçait aussi vite que possible à l'ouest pour aider les deux U-boot à trouver leurs proies. Mais pas assez vite, jugeait le Klt Rall. Ces maudis alliés risquaient de s'échapper.

Enfin. Concentres-toi de l'instant présent, tu seras bien assez occupé quand tu auras trouvé ces rafiots, se reprit le commandant de l'Edelweiss. Il se leva de sa bannette, se regarda dans le miroir et fit un brin de toilette pour avoir l'air un peu plus présentable. En deux pas, il fut au central.


" - Guten tag, Kaleunt
- Guten tag, friedrich... quoi de neuf ?
- Rien. Rien du tout... ils sont ou commandants, ces convois ?
- Pas loin normalement. Peut-être qu'on est tombés pile entre deux convois. Cap ? Vitesse ?
- Cap au 230, seize noeuds.
- Ok, je monte bronzer un peu. "

Le commandant escalada l'échelle et retrouva la lumière du jour.

" - Guten tag, mein Kaleunt dirent en coeur les deux matelots de veille aérienne.
- Guten tag matelots. Une belle journée.
- Ja. Mais un grain s'annonce... vous voyez là bas, au Nord, capitaine ?
- C'est bon pour nous, ça. "
Après une dizaine de minutes passées à regarder l'océan, le commandant redscendit s'entretenir avec le navigateur et son second.

Vers 13H30, une vigie aperçut une colonne de fumée au 340. Le cap fut mit sur cette position, et le capitaine fit forcer l'allure. Une heure après, on distinguait nettement, sur l'horizon, trois silhouettes, une colonne de fumée plus loin annonçant un quatrième navire. Deux des bâtiments en vue avaient une forme assez élancée, reveillant par là des destroyers. La silhouette trapue et pataude du troisième permettait de l'identifier comme un cargo. Leur cap et leur vitesse furent calculés et transmis par radio aux autres Klt de la meute. Les loups étaient lâchés. L'Edelweiss dut bientôt plonger pour ne pas être repéré, et fila tout droit au nord pour couper la route des alliés.

La manœuvre avait été répétée plusieurs fois à l'entrainement. Ainsi, les deux U-boot s'approchèrent en toute discrétion, de façon coordonnée, chacun choisissant un des destroyers ennemis.


Le lendemain, 5H24, HMAS Quiberon, Atlantique Nord

Le capitaine Hugh Waters Shelley Browning était quelqu'un de prudent. Son destroyer Q&R avait déjà à son actif plusieurs navires de l'axe en coopération, et amorçait sa troisième traversée de l'Atlantique. Cette fois, ce serait un convoi anglais. Une paire de cargos C2 étaient déjà sortis de New-York, et attendaient sous bonne garde le reste du convoi. Jusqu'ici, aucun U-boot n'avait jamais approché, de près ou de loin, les côtes américaines. Et le rapport des S.R. ne signalait rien d'inquiétant. Mais il était là, à l'aube, sur la passerelle de son destroyer. Il fit un rapide tour d'horizon. Parfait, les cargos rejoignaient tranquillement leurs positions. Le HMS Quentin, sister-ship du Quiberon, était au Nord-Ouest. Un matelot lui amena un thermos et le rapport du matin. Il portait le café brulant à ses lèvres quand un bruit sourd se fit entendre. Tout le monde se tourna vers l'origine de ce qui semblait être une explosion. Le HMS Quentin fumait. Le commandant, un temps sur le choc, donna ordre au radio de demander au Quentin l'origine de l'explosion quand un veilleur beugla " Torpedoeeee !!!! ". " Merde ! la barre au 120, en avant toute ! Aux postes de combat !" .


500m au sud, U-888 Edelweiss

"- Et.... lancez ! orgonna le commandant
- tube 2, feu ! "
Tout le monde se boucha les oreilles quand la seconde torpille fila vers son objectif.


Le commandant du HMS Quiberon venait d'apercevoir le second sillage. Il ordonna d'inverser la giration du destroyer, tout en sachant que le combat s'engageait mal: les postes de combat n'étaient pas encore complets, le destroyer était long à accélérer, et le sous-marin avait l'initiative. Il demanda au radio de signaler à New-York qu'ils étaient attaqués par un submersible, et reprit l'observation des sillages qui striaient la mer. Il blémit en aperçevant un troisième chapelet de bulles. Ils étaient encadrés.


" - C'est bon les gars... notre premier poisson arrive sur la cible, signala le commandant du U-888, vouté sur le périscope d'attaque.
- tube quatre, prêt commandant.
- la première arrive... la voilà. Il vire ! Pas assez vite. Notre premier poisson va l'avoir !
- Cavitation, commandant. Il pousse ses moteurs à fond, signala le sonar.
- Peine perdue... ça y est.... allez ma jolie... Impact ! Impact torpille 1 !!
- Confirmation impact commandant... mais pas d'explosion rapporta le sonar.
- Merde. Le second poisson est sur lui... au but !
- Cette fois, nous avons une détonation de tête chercheuse, confirma le sonar après quelques secondes. Comme pour ponctuer cette déclaration, une sourde explosion se fit entendre, faisant vibrer les cloisons de l'Edelweiss.
- la trois arrive... Nein. Elle va rater... raté. Elle lui est passée quarante bon mètres à tribord "


Le commandant du Quiberon était étonné d'être encore en vie. La première torpille les avait atteints de plein fouet par le travers avant, mais n'avait semble t-il pas explosé. La seconde avait atteint le navire sur le flanc, mais la charge explosive n'avait pas pénétré la coque avant de détonner. Les rapports d'avaries se succédaient : " voie d'eau, compartiment 8 ... Compartiments 7 et 11 inondés ! voies d'eaux, compartiments 4, 11, 8 ! ... incendie au pont 3 ! ". Mais le commandant ne s'en souciait pas trop. Les moteurs tenaient bon, les voies d'eau n'étaient pas si graves. Et il connaissait avec une quasi-exactitude la position de son agresseur. Il fit ralentir à 28 noeuds, pour éviter d'élargir la brèche dans son flanc.


" - Commandant, sonar. il vient droit sur nous. Il fait un sacré bordel, commandant ! Mais il est encore bien vivant...
- Je vois ça...bon, on va l'achever. Tube quatre, remplissez et ouvrez la porte. Second, je veux une solution de tir dans quarante secondes ! Grouillez vous ! L'équipage avait eu tout son temps pour s'entrainer à quasiment toutes les situations possibles et imaginables, durant leur traversée. Le tube quatre fut remplit, et l'ordre d'ouverture donné. La solution de tir était prête...
- C'est bon commandant ! Paré au tir ! Signala le second.
- Officier torpilleur ! C'est trop long !
- Je sais commandant. Le tube quatre a des problèmes d'équilibrage...
- Bon, préparez le cinq alors ! grouillez vous, bon dieu !
- donnez moi vingt secondes, commandant... Vingt secondes s'écoulèrent. Personne ne parlait. Désormais, on entendait nettement le destroyer ennemis qui leur fonçait droit dessus. Le tchouge-tchouga de ses hélices était nettement perceptible par tous.
- Tube prêt commandant ! équilibré, porte ouverte !
- lancez sur la solution !" C'était un coup de dé, tout le monde le savait. La solution avait plus d'une minute, et le relèvement du destroyer avait probablement un peu changé... et il leur présentait son étrave.
Un bruit assourdissant se fit entendre au C.O. quelques mètres plus en avant, une quatrième grosse torpille était éjectée par l'air comprimé de son tube, allumait ses moteurs et filait droit devant elle. Elle atteint bientôt sa vitesse de croisière de trente noeuds. 800 mètres plus loin, le destroyer arrivait à la curée, et la torpille n'avait pas encore été repérée...



Le commandant du Quiberon était occupé à estimer la dposition probable de l'agresseur. il hocha la tête, satisfait. Parfait. Ils filaient droit sur le sous-marin.
" - commandant ! Le HMS Quentin ne répond plus ! Le commandant porta rapidement son regard au Nord-Ouest... Rien. Rien qu'une colonne de fumée qui montait très haut dans le ciel.
- Bullshit ! Ils ont eu le Quentin ! jura le second.
- On va le venger. Paré à lacher les grenades !
- On lache à votre ordre commandant.
- Lachez dans vingt secondes, deux par deux. Intervalles : cent mètres. Profondeur vingt-cinq.
- Compris. "
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Quelque part, dans un tuyau de poële sous la mer Empty Re: Quelque part, dans un tuyau de poële sous la mer

Lun 01 Juin 2009, 15:27
(Suite)

L'ordre venait juste d'être transmis à l'arrière quand l'étrave du destroyer rencontra la torpille lancée par le U-888. Cette dernière s'enfonça de près d'un mètre cinquante du côté bâbord, un mètre en dessous de la ligne de flottaison, avant de détonner. Le commandant portait son regard sur l'avant quand la mer sembla se précipiter à sa rencontre. Il sentit une brusque bouffée de chaleur, et fut frappé de plein fouet par l'onde de choc.


Trois cent mètres plus loin, le commandant de l'Edelweiss affichait un sourire satisfait.

" - Touché. Bien joué, les gars.
- Euh, commandant... il nous vient droit dessus ! il va passer à moins de cent mètres à tribord avant ! mit en garde le sonar
- Si il fait deux cent mètres, ça tient du miracle !
- Commandant, il file encore vingt-quatre noeuds et ... il lâche des grenades ! Il lâche ses charges !
- Merde ! Cent mètres rapide ! Moteurs en avant toute, la barre au zéro-zéro-cinq ! Paré au grenadage ! Péri baissé ", finit-il. Avant même qu'il ait terminé sa phrase, le pilote poussa le volant à fond, tandis que les ballasts vomissaient des centaines de mètres cubes d'air. L'Edelweiss prit trente degrés d'inclinaison, tandis qu'il manœuvrait pour plonger et s'écarter de la trajectoire du destroyer adverse. Les moteurs rugirent, et les hélices battirent l'eau plus vite. Plus vite, mais pas encore assez vite. le sous-marin avait mit soixante-dix mètres entre lui et la trajectoire du destroyer, et se trouvait à 50 mètres d'immersion quand les matelots du Quiberon, négligeant les dommages de leur bâtiment, commencèrent à lâcher les premières grenades.
Les deux premières explosèrent à cent cinquante mètres de l'Edelweiss. Le navire fut secoué par l'explosion, des hommes tombèrent, les lumières vacillèrent. Mais le pire était à venir. Les deux autres tombèrent à quatre-vingt mètres. L'onde de choc atteint le sous-marin par l'arrière et le balaya, comme un vulgaire poisson. La poupe fut soulevée et le sous-marin piqua à presque soixante-dix degrés vers le fond. Les moteurs se mirent en alarme, et une voie d'eau se déclencha à la base du massif. Les deux dernières charges tombèrent à peine plus loin. Les ondes parcourirent la distance en moins de trois secondes et trouvèrent le sous-marin. Le choc fut terrible, ouvrit une seconde voie d'eau au niveau du compartiment moteurs, fit voler les objets à l'intérieur du submersible.


Le Klt Rall ouvrit les yeux. Sa tête lui faisait mal. Le sol n'était pas dans le bon sens, songea t-il... Il lui fallut une ou deux secondes, qui lui parurent une éternité, pour réaliser que son sous-marin, blessé, piquait droit vers le fond.
" - Pilote, redressez l'assiette ! Rapport d'avaries ! Les hommes dans le C.O. se redressaient, les uns après les autres. La plupart étaient bien sanglés sur leurs sièges, et n'avaient été que légèrement incommodés. D'autres, ceux à qui leurs fonctions interdisaient de rester assis, s'étaient accroché comme ils l'avaient pu. Ils avaient été projettes à l'avant du compartiment, et la plupart étaient blessés.
- On redresse, commandant. rapporta le pilote
- Rapports d'avaries ?
- Pas de nouvelles des autres compartiments... le moteur est éteint.
- 110 mètres. Quarante-cinq degrés, six noeuds, signala le pilote, qui suait à grosses goutes. Ils approchaient de l'immersion maximale autorisée, vite. Très vite. Il fallait redresser. Tant pis pour la réserve d'air, décida t-il. Il tira un levier, et vida presque entièrement les caisses d'assiette à l'avant. L'effet fut immédiat.
- Cent Quinze. Trente degrés, cinq noeuds. on redresse.
- Bien. Stabilisez nous à cent mètres. Second, ça va ? demanda le Klt Rall, inquiet. Le second avait l'air d'avoir traversé un typhon : son visage était ravagé, son bras formait un angle étrange, et il grimaçait de douleur.
- ça ira commandant.. je crois que j'ai le bras pété.
- Cent vingt. Deux degrés, 4 noeuds... ça y est. C'est bon, on est stabilisés à cent vingt-deux mètres, 4 noeuds, commandant. Je remonte à cent en douceur.
- Parfait. Avaries ?
- On essaye de joindre la machine. Le poste torpille signale deux blessés. On a quatre autres blessés à l'avant, et cinq blessés ici.
- Pourquoi la machine est-elle injoignable ? et pourquoi on n'a pas de nouvelles des compartiments en arrière de la tranche quatre ?
- Je ne sais pas commandant. J'ai envoyé Otto aux nouvelles. "
Otto revint vite. il y avait huit blessés à l'arrière, dont sept mécaniciens. Une voie d'eau sans gravité à la base du massif, quatre hommes s'en occupaient. La machine était en alarme, et une voie d'eau s'était déclenchée. Le chef mécanicien arriva bientôt et fit son rapport. Le moteur était touché, il y avait quarante centimètres d'eau, une des batteries était quasiment morte, et six de ses hommes étaient blessés. Plus lui, ajouta t-il en regardant son bras sanguinolent.
Le commandant ramena son navire à immersion périscopique, pour faciliter les réparations. Le sonar étant endommagé, il hissa le périscope pour apprécier la situation. Il fit un tour d'horizon et s'arrêta, stupéfait. à cinq cent mètres, le destroyer Q&R était toujours là. La proue était arrachée, il gitait de dix degrés et s'enfonçait légèrement par l'avant. Mais il flottait.


HMAS Quiberon, passerelle.


Le commandant Hugh Waters Shelley Browning balaya du regard la passerelle. Ce qui restait de la passerelle, se corrigea t-il. Il ignorait ce qui s'était passé. une torpille, probablement. Il se rappelait vaguement du choc. il s'était ensuite redressé à temps pour voir la proue s'arracher. Les quinez premiers mètres étaient partis. Les vitres de la apsserelle avaient volé en éclats, tuant quatre hommes et en blessant plus ou moins gravement une quinzaine. Il venait d'apprendre le décès de son second suite à ses blessures. La machine signalait que les incendies déclenchés à l'arrière par le choc étaient maitrisés... mais les moteurs seraient indisponibles pendant plusieurs heures, disait son chef mécano. Mais vu l'état du bateau, de toute façon ils ne pourraient pas avancer à plus de cinq noeuds, et encore, par belle mer. Les cloisons étanches tenaient bon. Le Quiberon avait embarqué de l'eau, mais les pompes maitrisaient la situation. Il se retourna et regarda la cheminée. La machine avait relâché la pression, et l'air s'échappait par la soupape dans un sifflement strident. on aurait dit le cris de douleur du navire blessé. Mes hommes, songea le capitaine... vingt-et un tués, trente-deux disparus, soixante-sept blessés, semblait-il.

Mais qu'est-ce qui avait bien pu merder ainsi ?


Six heures plus tard, U-888 Edelweïss

"- Bon, ça devrait marcher.
- ça a intérêt ! "
Cela faisait cinq heures que l'équipage travaillait d'arrache-pied à maitriser les voies d'eau, et réparer ce qui était le plus urgent. La machine tribord était désormais en état de fonctionner, mais pas à plus de 50% de puissance. Les officiers torpilleurs avaient réussit à remettre en état de fonctionner trois des tubes. Deux autres fuyaient légèrement, la porte du troisième était coincée.
" - Allons-y. Ce destroyer est immobilisé, mais reste dangereux. On l'achève, puis on répare les moteurs et on s'occupe de maitriser les voies d'eau.
- Lancez la machine tribord, montez en puissance lentement, Ordonna calmement le second, qui ressemblait à un pirate avec son bras en écharpe et le bandeau qui recouvrait son oeil gauche. Il s'était blessé sur la tuyauterie lorsque l'onde de choc l'y avait projeté.
- Ok, 30% de puissance.
- 50%, débrayez. On va voir si le presse-étoupe tient le coup.
- 50%. Les gars de l'arrière disent que ça vibre pas mal.
- On en restera là, conclut le commandant.
- Bien. L'hélice semble intacte. 3 noeuds.
- Barreur, quarante degrés à tribord.
- Quarante degrés à tribord, bien commandant, rapporta le barreur en exécutant l'ordre. Le U-888 vira lentement, ce qui n'était guère étonnant au vu de sa faible vitesse.
- Second, amenez nous en position de tir. Ménagez la machine si possible.
- Bien commandant."

La manœuvre prit une bonne heure. La seule machine en fonction ne faisait tourner que l'arbre tribord, ce qui permettait certes d'améliorer la giration, mais dans un seul sens, et compliquait sérieusement la conduite du bâtiment, qui était incapable d'avancer en ligne droite. Mais le Klt Rall avait désormais le destroyer blessé en vue dans son périscope. Pas besoin de grossissement. Ils étaient à 250 mètres à peine, et on distinguait les hommes courant sur le pont. La proue était complètement arrachée. Le navire piquait du nez, et gîtait fortement. Visiblement, ils étaient en train de réparer.
"Préparez les tubes. On les achèves."
Cinq minutes furent nécessaires là ou il en aurait fallu une à peine en temps normal. Mais les systèmes de manutention des torpilles avaient souffert, et plusieurs officiers torpilleurs avaient été blessés.
"Lancez tube cinq." Ordonna le capitaine.

Il suivit la torpille des yeux, bien visible à son sillage, regrettant de ne pas avoir de complément d'information de son sonar, qui avait été gravement endommagé lors du grenadage.
La trainée blanche fonça tout droit vers le destroyer. Elle disparut au niveau de la cheminée, et rien ne se passa pendant quelques dixièmes de secondes. Enfin, une colonne d'eau haute de trente mètres fonça vers le ciel au moment de la détonation. Le tonnerre de l'explosion se fit entendre dans le sous-marin, suivi par le bruit des explosions secondaires. Le destroyer ne mit guère plus de cinq minutes à couler, se couchant sur le flanc. Le Klt Rall estima qu'un tiers de l'équipage en avait réchappé.

" Il est Kaput. On se pose ici, et on répare, les gars".

Il fallut de nombreuses heures pour réparer les voies d'eau, et remettre en état les moteurs. Ce n'était certes pas parfait, mais ils devraient s'en contenter pour l'instant, avant de pouvoir réparer en surface.

Le U-888 se glissa donc vers ce cargo, repéré l'avant-veille, dans le Nord-Ouest. Le cargo, bien que vigilant, suite à l'attaque contre les escorteurs, ne vit rien venir. Les deux torpilles étaient à trois cent mètres de lui quand un veilleur les repéra enfin. Trop tard. L'officier de quart ordonna ne mettre en arrière toute, de virer à tribord aussi séré que possible, mais cela ne servit à rien. Les deux torpilles déchirèrent le flanc bâbord du cargo. Sérieusement avarié, ce C2 réussit tout de même à se trainer hors de portée du U-boat. Le temps que l'Edelweiss se soit replacé, le cargo avait déjà réparé une bonne partie de ses dommages. Deux torpilles supplémentaires furent lancées, et, cette fois encore, le cargo ne put les éviter. Une demie heure plus tard, ne flottaient à la surface que quelques débris et deux radeaux de sauvetage.


[HRP/off] : Vous vous en doutez peut-être, mais ce Rp commémore le premier engagement de l'opération Paukenschlag. Je regrette que deux de mes camarades d'expédition, les Klt Prochnow et Dozer, ne puissent pas le voir enfin publié.
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Mar 21 Juil 2009, 22:14
Juillet 1943, 10H45, U-877 Schwan Schwarz, quelque part loin, très loin des côtes.

"Feuer !!!" Beugla le Klt Rall
"Feuer ! " Cria en écho l'officier en armement.

Un grondement sourd se fit entendre, tandis que tout l'équipage, averti par les ordres de lancement, se bouchait les oreilles.
Sur le kiosque, le commandant et l'équipe de pont sentirent le bâtiment vibrer sous leurs pieds, puis une trainée blanche apparut à la proue, prit de la vitesse, et se dirigea droit sur le malheureux marchand ennemi.
Tout le monde retint son souffle...et une explosion déchira le cargo américain. Le navire fut momentanément masqué à la vue de l'équipage du U-boat par l'écume et la fumée tandis que le roulement sourd de la déflagration parvenait jusqu'aux oreilles des allemands. Émergeant de la fumée, la proue déchiquetée du cargo pointait déjà vers le ciel, tandis que des milliers de litres de mazout enflammé commençaient à s'échapper des cuves.
L'équipage du U-877 laissait éclater sa joie. Encore un à leur actif !
"C'est une mise à mort. Je répète, une mise à mort" confirma plus calmement le bosco, un large sourire derrière sa barbe de deux mois.
"Helmuth, répondit le commandant, tu peux peindre une nouvelle silhouette sur le flanc de notre bon vieux U-boat"
Puis, se retournant vers un matelot : " Dit au radio de transmettre à la maison : Ici U-877. Avons coulé 298 (Liberty Cargo US), 6500tx. Continuons notre campagne"
Le Klt Rall prit ensuite l'interphone : " Les gars, nous venons encore d'envoyer par le fond un bâtiment allié. Mais cette fois ci, c'est un peu spécial. En effet, nous venons de dépasser les 200 000tx à notre actif, auxquels il convient d'ajouter des dizaines et des dizaines de milliers de tonneaux de navires en coopération. Merci à vous"
Tandis que les membres de l'équipage se congratulaient, le commandant glissa au maitre d'équipage : " ce soir, double ration de chocolat, de schanpps, de saucisses ! Et allez me chercher nos bouteilles de cognac !"
L'homme se mit au garde-à-vous et redescendit l'échelle.

Le Klt Rall se retourna, et en revint à l'horizon... deux cent mille. Jamais il n'aurait pensé couler autant d'alliés ! Et maintenant, il y était. Et la guerre continuait. Combien de jeunes marins américains, britanniques, russes, français, serait-il forcé de tuer ? Les anglais seraient bien obligés de négocier bientôt. Et les Russes aussi. Ensuite viendraient les français... puis les américains seraient contraints de négocier avec l'Allemagne. Encore quelques convois, et ce serait bon.

" C'est reparti "
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Quelque part, dans un tuyau de poële sous la mer Empty Re: Quelque part, dans un tuyau de poële sous la mer

Dim 26 Juil 2009, 13:22
La mer a souvent été décrite par les hommes comme "indomptable". L'image de creux de dix mètres, de vagues submergeant la proue des navires, d'hommes luttant contre les flots déchainés pour amener leur navire à bon port reste ancrée dans la plupart des récits attrayant à la mer.
" Un temps pourri", comme on dit. C'est ce qu'avait lancé le capitaine en montant sur la passerelle. Une observation sans grand interet, mais que faire, de toute façon, face à la puissance de l'océan ? La vision était apocalyptique : des creux de 8 mètres, une mer démontée, un ciel noir, bouché, avec des éclairs qui zébraient le ciel de temps à autres, et illuminaient les eaux noires et sombres de l'Atlantique. Le pauvre tanker, à vide, était balloté en tous sens, et avait perdu de vue depuis longtemps les trois autres marchands et les deux destroyers de l'escorte. La radio était H.S. , l'antenne ayant été atteinte par la foudre. L'équipage tentait de la réparer, mais avait d'autres chats à fouetter: à l'avant, l'ancre bâbord avait brisé l'une de ses amarres, et frappait contre le flanc bâbord de la proue, comme un marteau. Mais un marteau de fonte de 5 tonnes. Les dégâts n'étaient pas très importants, heureusement. L'équipage, expérimenté, avait réagit et sécurisé l'ancre avec plusieurs cordages, étayé tant bien que mal la brèche qu'elle avait ouverte, et tentait d'assécher le compartiment de stockage avant. La chose n'était pas facile, et, pour faciliter le travail de ses jeunes matelots et mécaniciens, le capitaine avait ordonné d'allumer des lampes dans le local. La vitesse avait quand à elle due être réduite à huit nœuds, de peur d'agrandir la brèche.
Ce qu'ignorait le capitaine de cette malheureuse brebis égarée, c'est qu'un prédateur se tenait près de lui. Tout près. En effet, à quelques encablures, le U-877 luttait lui aussi contre les flots en furie. Le sous-marin était ballotté comme une vulgaire coque de noix, sa proue escaladant les vagues, pointant vers le ciel, au niveau de la crête, puis retombant dans une gerbe d'écume et dévalant jusqu'à revenir dans le creux, et remonter. Le second avait suggéré de plonger, mais le capitaine, têtu, s'obstinait à rester en surface, cherchant à repérer un de ces marchands signalés la veille. 4 hommes se serraient donc, dans la "baignoire", observant à la jumelle les alentours, serrés les uns contre les autres dans leur cirés, solidement sanglés aux rambardes du kiosque. Et soudain, à la faveur d'un éclair... "Navire dans le 070 !" beugla un veilleur, tentant de couvrir le tonnerre et le rugissement de l'océan.
Le loup s'approcha de sa proie, tranquillement, sans se presser. Le commandant du U-boot, sachant qu'une attaque était impossible par ce temps, avait décidé de pister sa proie, à deux kilomètres derrière ce qui semblait être un petit marchand.

La mer était un peu plus calme, maintenant. Le commandant du tanker Cimarron était plus rassuré. Certes, l'ancre était désormais bien amarrée, le local asséché, les brèches bien étayées, mais la radio était toujours hors service, et le ciel restait menaçant, l'orage s'étant déplacé vers le sud, illuminant régulièrement l'horizon.
Il pensa d'ailleurs, dans les quelques dixièmes de secondes après avoir entendu le bruit, que c'était le tonnerre, qu'il avait entendu. Il avait bien vu un éclair, plusieurs à vrai dire, quelques kilomètres au Sud-Est. Vint ensuite la secousse, qui le fit tomber à terre. Puis le grondement assourdissant des explosions secondaires. Le commandant sentit ses cheveux se dresser sur sa tête. "Non, ça ne peut pas m'arriver ! pas maintenant ! pas à mon navire ! pas ici ! " songea t-il. Puis, tout professionnel qu'il était, l'entrainement jouant à plein, il donna des ordres. L'équipage courait dans tous les sens, le Cimarron flambait mais la situation était encore sous contrôle. Tout le monde était occupé à maitriser l'incendie, et à rechercher ses causes. Personne ne vit arriver les deux torpilles. La première impacta vingt mètres à peine en arrière de la passerelle, mais n'explosa pas. Elle traversa néanmoins la coque, terminant sa course dans une des cuves vides. L'eau s'engouffra par la brèche aussitôt. Mais ce n'était rien comparé à la seconde. Elle atteignit le malheureux tanker au niveau du château arrière, et s'enfonça de presque deux mètres avant d'exploser, et de mettre le feu à 50 000 litres de fioul. Sous le choc, d'abord de l'explosion de la charge militaire de la torpille, puis du souffle dégagé par la déflagration du réservoir, la moitié du château arrière fut réduite à un tas de ferraille rougeoyant. Plus grave encore, la structure même du château arrière était atteinte. Et ce qui devait arriver arriva. Alors qu'une soute à munitions de 40mm explosait, le château arrière, ou plutôt ce qui en restait, s'effondra. Personne, à l'arrière, ne survécut à cet enfer. Le commandant, une fois de plus jeté à terre par le souffle des explosions, gisait inconscient, une vilaine entaille au front. Le second, comprenant que la situation était désespérée (le château arrière étant situé au dessus de la salle des machines, il avait dû, en s'effondrant, fissurer la coque qui risquait de rompre d'un moment à l'autre). "Abandonnez le navire !". Alors que l'équipage se ruait sur les canots de sauvetage disposés entre le château avant et la proue (le reste du navire étant en flammes, le second avait jugé préférable de ne pas tenter de mettre à l'eau les deux gros canots montés là bas, canots probablement pulvérisés ou réduits en cendres, d'ailleurs), un homme hurla "Regardez, à tribord arrière !". " Mais c'est un putain de sous-marin !" beugla le bosco. En effet, tandis que l'équipage tentait de sauver sa peau, le U-877 approchait lentement, à 5 nœuds, canonniers à postes. Sa pièce de pont de 105mm commença à faire pleuvoir des obus, balayant d'avant en arrière le pauvre tanker. à une distance d'à peine 800m, les dégâts furent terribles. Le Cimarron, qui commençait déjà à s'enfoncer, fut secoué par de nouvelles explosions. Puis, ce fut la fin. Un obus de 105mm pénétra dans une cuve mal vidangée, contenant encore des vapeurs de pétrole. L'explosion qui s'ensuivit coupa en deux le navire. Les quelques survivants qui s'étaient réfugiés à la proue ne purent rien faire. En l'espace de dix secondes, le pont se déroba sous leurs pieds tandis que la proue se cabrait. Ils étaient juste à côté du poste des ancres quand un cabestan de près d'une tonne se détacha, sa base fragilisée par la tempête de la veille, et les envoya tous, dans un dernier hurlement de douleur et de terreur, rejoindre la mer de flammes, trente mètres plus bas.


Quelque part, dans un tuyau de poële sous la mer 721px-Usscimarron-ao22
Le USS Cimarron (AOE-31), qui disparut en mer fin juillet 1943, emportant avec lui tout son équipage.
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