Le retour du grand blond

Bureau provisoire de la 34 , quartier Est de la base navale de La Spezzia
Premier jour.

Ernst s'arrachait les cheveux , la gestion de l'intendance de la flottille était pour lui la pire des punitions.
La barrière de la langue rendait interminable la moindre opération bureaucratique.
Et dire que nous critiquions la base navale Mourillon de Toulon , mais en comparaison c'était le grand luxe , on aurait sacrifié des permissions pour pouvoir y reprendre nos locaux.
Ces maudits Italiens ne comprenaient rien et un bon traducteur pouvait se monnayer jusqu’à deux caisses de schnaps la journée.
L’État Major nous envoyait sur des missions de plus en plus importantes , les forces ennemies étaient de plus en plus puissantes mais notre flottille restait avec ses faibles moyens.
Nous avions recruté des jeunes tous plus motivés les uns que les autres mais leur manque d'expérience leur faisait risquer leur vie à chaque nouvelle patrouille.
Les officiers sous-mariniers expérimentés se faisaient rares et les quotas étaient atteints.
Rien que le fait de recruter des ravitailleurs avait été une aventure , à tel point que les gars de la 6. schwarzen Meer nous avaient provisoirement détaché Harald afin de boucler nos effectifs.
Ernst passait en revue les fiches des officiers sous-mariniers qui auraient pu faire l'affaire , il les feuilletait et les jetait sur la table avec à chaque fois un petit commentaire

   Ernst :
   ..... déjà affecté
   ..... mort
   ..... déjà affecté
   ..... trop jeune
   ..... devenu alcoolique
   ..... porté disparu

J'étais en train de fouiller dans un autre dossier quand je suis tombé sur la fiche d'une vieille connaissance.
Je me suis rapproché de lui et je l'ai posé sur sa pile.        

   Hans :
   Et lui ??

Ernst me regarda d'un air étonné

   Ernst :
   Mais on ne peut pas recruter un capitaine battant pavillon Roumain ?

C'est à ce moment qu'est intervenu Jan Von Stauffen ... bien que présent depuis le début il ne s'était pas impliqué dans le débat.
La paperasserie ... c'était pour les gamins.
Le vétéran de la grande guerre était assis sur le rebord d'une des fenêtres donnant sur la viale Italia.
Il faisait du renseignement.
Oui , il faut savoir que la viale Italia est la rue qui donne du vieux centre vers les plages.
Il était 14 heures , nous étions au mois d'aout , il faisait chaud .. très chaud et c'était le jour de repos des infirmières de l'école militaire.
Poussant son devoir à l’extrême , il se devait de débusquer d’éventuelles espionnes.
Des rumeurs circulaient même qu'il aurait poussé ses investigations jusqu'à pratiquer la fouille au corps.
Sans pour autant lâcher sa paire de jumelle , ni la cible qu'il avait en visuel , il s'adressa à nous.

   Jan :
   Moi je sais comment le faire revenir !

Ernst pivota sur sa chaise prenant appui sur le dossier.

   Ernst :
   Et comment tu comptes t'y prendre ?

Quittant son poste d'observation , Jan fit tournoyer une chaise pour s’assoir à califourchon face à nous .

   Jan :
   Le Werner il est en train de nous faire une allergie à la Roumanie.
   Je suis resté en contact avec lui et croyez moi , il se fait chier comme un rat mort.
   La Kriegsmarine ça lui manque ...
   Les U-Boot ça lui manque ...
   Le schnaps , la bière , nous ... tout lui manque

Se dégageant de la chaise pour retourner vers la fenêtre.

    Jan :
   Hans ......... tu te souviens de l'époque ou on était affecté au Wolfpack de la GDH ?
   Et bien notre grand blond il s'était amouraché d'une brunette du soleil levant.
   Son petit rouleau d'printemps comme il disait.
   Il se trouve que la môme elle est à La Spezzia.
   Elle fait parti de la délégation Tripartite Japonaise qui loge à l’Hôtel Chinellato.
   Elle se nomme Asa Kaminoshi.
   La petite pourrait lui écrire au Werner ... lui passer ses bons souvenirs si tu vois ce que je veux dire.

Reprenant place à son poste d'observation , jumelles en main.

    Jan :
   Alors .. on le critique moins mon service de renseignement ... hein !

La .... Ernst m'adressa un regard complice qui pouvait se traduire par :
Laisse le jubiler et surtout ne l'interrompt pas sinon on est parti pour plusieurs heures avec historique détaillé des bienfaits de ses sacrifices pour la flottille.
Nous avons discrètement remballé nos dossiers et mis le cap sur l'Hôtel Chinellato.
Jan ayant flairé le repli général nous emboita promptement le pas.

Hôtel Chinellato , La Spezzia

Nous avons pris soin d'acheter des fleurs pour la belle et d'immortaliser l'instant par une photo.
D’après la renseignements de Jan , Asa Kaminoshi logeait chambre 34 .... c'était un signe.
Un rapide renseignement à l’accueil nous confirma qu'elle était toujours dans sa chambre.

On a tous plus ou moins fantasmé sur les belles filles des iles , mais alors la .... quand elle à ouvert la porte ....



... je crois que nous avons tous honteusement pensé à la même chose.
Pourvu que Von Klücke ne revienne pas.
Ce qui par respect envers notre camarade se traduisait en ... est ce qu'elle a une sœur ?

Jan qui pourtant maîtrisait le sujet avait de la peine à retenir un petit filet de bave qui s’échappait de sa lèvre inférieure quand à Ernst il était incapable de sortir deux mots sans bafouiller.
J'ai donc pris la Parole

    Hans :
   Mademoiselle Asa , bonjour , nous sommes des amis de Werner.
   Pouvons nous rentrer cinq minutes car nous avons une proposition à vous faire .......

Constanza , port d'attache de la 1-Regala Romana A Flotei
Quelques jours plus tard.

Comme tous les jours , à peine sorti du lit , j'ouvre les volets et j'observe la rade militaire et comme tous les jours c'est la même constatation , le port est désespérément vide ... non pardon , il y a deux vedettes lance torpilles classe Vedenia.
Celle d'un petit nouveau en cours d'armement et celle de Stefano qui à été désarmée depuis maintenant une semaine et sur laquelle on commence même à prendre des pièces détachées.
Direction le réfectoire , au passage je donne un coup d'œil à l'affiche qui avait été placardée à l'époque de la glorieuse.



A cette époque on alignait des Cuirassés de poche classe Ansaldo des Destroyers classe Split et on faisait régner la terreur en Mer Noire.
On avait même fait la une de Signal mais c'était bien loin tout ça.
Et dire que je m'étais porté volontaire , je commençais à sérieusement m'en mordre les doigts.

Allez , trêve de nostalgie , la traditionnelle omelette au jambon et son thé à la menthe m'attendaient ensuite j'irai chercher mes ordres à la capitainerie.

J'ai été stoppé dans mon élan par un des rares Allemands encore présent à la base , il me cherchait car j’avais du courrier.
C'était tellement rare que je me suis empressé de l’ouvrir.
Asa ... cette belle et tendre Asa , elle ne m'avait pas oublié.



Je me suis enfoncé dans mon siège tout en frottant la front , un retour aux sources ... et pourquoi pas.
Après tout , qu'est ce qui me retenait ici , il est vrai que commander un U-Boot n'avait rien de comparable , comment ne pas résister.
Et puis la belle Asa ...

Il y avait effectivement un document de demande au retour dans la Kriegsmarine et d'intégration aux flottilles U-Boot.
Je l'ai lu .. et relu.
Et je l'ai signé.