Deux affuts de 203mm et 8 Tubes Lance Torpilles...

Le requin pénétra lentement dans le port de La Valette, sa coque en parfait état. Le submersible vint se positionner dans la partie réservée aux sous-marins, lentement, contre le quai. Les amarres larguées et la passerelle jetée, c'est à la tête de son équipage que le capitaine de vaisseau André Jubelin quittait son bâtiment.

-Rompez !

Un unique ordre, simple, claquant, précis. C'est celui-ci qui le laissa seul sur le quai, à contempler le nez de La Favorite. Il repensa aux moments passés à bord...

Quelques jours auparavant, le radio avait reçu un message, il avait couru dans les courtines jusqu'à la chambre du capitaine, frappé brièvement la porte et était entré en trombe devant son supérieur assis à son bureau.

"Capitaine, ça vient d'arriver, un message prioritaire de l'amirauté!" dit-il lui tendant un papier bleu plié en trois. André pris le feuillet et le parcouru du regard.

"De l'amirauté FNFL au C.V. Jubelin.

Suite à vos prestigieux états de services, l'amirauté à décidé de vous confier un nouveau bâtiment.
Vous devez vous présenter immédiatement à La Valette."

Le capitaine n'en revenait pas, depuis plusieurs mois, il avait demandé avec insistance cette affectation et devant un refus systématique de l'amirauté, il avait presque abandonné. Et pourtant, ce matin il était enfin reconnu à sa juste valeur. L'amirauté lui servait son rêve sur un plateau, il n'avait même pas eut besoin de le demander que la lettre tant espérée était déjà arrivée.

André regarda une dernière fois la coque du classe requin La Favorite avant de lui tourner le dos, il monta dans un taxi, et dans un souffle dit au chauffeur.

"A l'aéroport je vous prie."

Le taxi fila, il monta sur le tarmac avant de se garer non loin d'un transporteur en partance pour Rabat. Le capitaine de vaisseau salua les pilotes et monta à bord.

Quelques heures plus tard, André arrivait à Rabat, escale importante pour le voyage, les conditions météo n'étaient pas des plus faciles, mais cela restait toujours mieux que son échappée en Indochine. De nouveau il reprit l'avion, on lui avait confié lors de son court arrêt dans le port français les plans de son futur bâtiment.


extrait des plans


Extrait du Journal L'ILLUSTRATION n° 4525 du 23 novembre 1929

L'avion arrivait enfin à la Martinique, il fit un large cercle pour contourner la base navale avant de se poser sur la piste, une Citroën attendait patiemment le capitaine. Dans un uniforme parfaitement taillé, frais, rasé et propre, André descendit de l'avion.

"Que j'ai hâte de le voir."

La voiture passa les postes de contrôles, et vint se garer le long du quai. Le chauffeur descendit de voiture et alla ouvrir la porte au capitaine. Sorti de la Citroën, André, respira un grand bol d'air du large avant d'ouvrir les yeux et d'observer le bâtiment qui se tenait face à lui. L'étrave était verticale mais fine, telle la lame d'une épée coupant l'eau, la taille était imposante, presque celle d'un destroyer, mais surtout, les deux affuts de 203mm, bouchés, droits, pointés vers l'avant. Derrière le kiosque se tenait l'hangar de l'hydravion de reconnaissance et les batteries anti-aériennes de 40 mm. Le bâtiment qui se trouvait devant Jubelin méritait largement son titre de croiseur sous-marin. Un classe Surcouf, le plus gros submersible construit jusqu'à présent, allait enfin sortir du port de Fort de France.