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Heinrich Von Forstner
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Le printemps des dupes Empty Le printemps des dupes

Jeu 08 Avr 2010, 20:08
Le printemps des dupes


L’équipage était immobile, silencieux, comme suspendu à mes lèvres.
« Paré à faire surface ! »
Je rentrai le périscope, et ajustai aussitôt mon ciré, prêt à ouvrir l’écoutille dès que le navire aurait crevé la surface.
« Avant montez 10… Arrière baissez 5… »
L’I-WO transmis les ordres et le sous-marin amorça lentement sa remontée.

Le jour déclinait, j’avais juste aperçu dans l’optique, au raz des flots, la double silhouette du phare des Piliers sur tribord, et la pointe de Noirmoutier que je devinais un peu plus loin. La voie était libre vers l’entrée du chenal de Saint-Nazaire. Notre voyage arrivait à son terme sans encombres.
Depuis quelques jours, on sentait l’équipage nerveux, impatient de retrouver la terre ferme après deux mois de navigation et de traque. Plus de 25.000 tonnes avaient été envoyé par le fond et nous avions tous la satisfaction du devoir accompli. Les sourires s’affichaient sur les visages. Chacun se préparait mais il faudrait encore au moins huit heures pour arriver à quai, dans le U- Bunker de la base sous-marine de Saint-Nazaire.

« Surface ! »
J’ouvris le sas et grimpai l’échelle métallique tandis que dégoulinait l’eau de mer glacée qui s’était engouffrée à l’ouverture, par seaux entiers. Une grosse houle régulière faisait rouler et tanguer le navire qui avançait désormais à allure réduite vers sa destination finale. L’étrave s’enfonçait dans l’écume et submergeait presque le kiosque, qui semblait disparaître par moment sous les embruns.
Je respirai à plein poumon ce moment unique de liberté, comme un captif retrouvant l’air libre, après ces longues heures de navigation en plongée. Heureux mais trempé !

« Permission de monter pour le premier quart ! »
« Autorisée ! »
Les cinq hommes montèrent à la queue leu leu, casqués et gilet de sauvetage bouclés, et prirent place à leur poste de veille. Sur le « wintergarten », deux matelots apprêtèrent la pièce de 20 mm. Il convenait d’être prudent jusqu’au bout.

Soudain, l’un des hommes pointa du doigt l’horizon, au Nord :
« Fliegeralarm ! Là !... Un appareil, Kaleunt !... »
« C’est un des nôtres !... »
Nous saluâmes bruyamment par des hourras, un Messerschmitt qui revenait de patrouille et nous survola plusieurs fois en battant des ailes.
Un peu plus loin, c’est un Schnellboot qui nous accompagna jusqu’à l’entrée du chenal et la pointe de Saint Gildas, et s’en retourna peu après, poursuivre sa mission. Tout était calme devant Saint-Nazaire.

Pas une lumière ne trahissait les habitations et les défenses côtières de l’embouchure. Nous envoyâmes quelques signaux radio pour annoncer notre présence, à l’observatoire de Chemoulin et aux batteries du Fort de l’Eve. La routine. Le grand Charpentier, éteint depuis le début du conflit comme tous les phares, dressait à quelques encablures de là, sa longue silhouette trapue comme un vestige oublié du temps de paix.

à suivre...
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Mar 13 Avr 2010, 11:20
(2ème partie)

Nous arrivâmes au port dans la nuit comme le préconisaient désormais les procédures de sécurité, et entrâmes dans le grand bassin face au U-Bunker. Nous n’eûmes pas droit à un comité d’accueil, hormis celle des deux officiers d’astreinte qui vinrent faire le rapport d’usage et nous saluèrent chaleureusement.
Fini le temps des fanfares et de l’accueil avec des fleurs devant une foule en liesse.
De chasseurs nous étions devenus des proies auxquelles on ne laissait plus de répit. Les U-Boote, l’orgueil de la Kriegsmarine n’agissaient plus que comme des voleurs, et rentraient en douce, à l’abri des regards.

Qu’est-ce qui avait changé ici en trois ans de guerre ? La ville était méconnaissable et la base sous-marine, immense bloc indestructible, se dressait au milieu du port, comme une falaise imprenable. Les raids aériens successifs avaient démolis la plupart des bâtiments et le quartier du port ne ressemblait plus à celui que j’avais connu un an auparavant. Derrière la base, la gare dévastée ne montrait plus que quelques pans de bâtiments calcinés. Des montagnes de briques et de gravats étaient rassemblées dans les rues en attendant d’être déblayés. Toutes les habitations autour avaient été comme soufflées de l’intérieur : seules subsistaient les façades. Le raid anglais et l’explosion dramatique du Campbeltown sur la forme-écluse Joubert, avaient laissé des traces dans les esprits, et la prudence était de mise.

L’équipage rassemblé sur le pont attendait impatiemment l’autorisation de quitter le bord. Sale, crasseux, nauséabond, ébouriffé et barbu… L’aspect général du sous-marinier revenant de mission était loin de celui du marin opérant à bord d’un torpilleur…
Nous laissions la place aux équipes techniques qui assureraient les opérations de maintenance et d’entretien. Notre vieux VIIc avait besoin d’une bonne aération et d’un nettoyage complet. Quatre camions étaient stationnés, moteurs allumés, prêts à conduire matelots et sous-officiers vers leurs quartiers de repos, à La Baule. Divers hôtels avaient été réquisitionnés à cet effet et la station balnéaire était un endroit idéal pour se remettre sur pied.
Les Officiers avaient, eux, le privilège d’être hébergés au Majestic ou à l’Hermitage, des palaces comme on pouvait seulement en rêver…

Un sous-officier se présenta à moi :
« Kaleunt Schönder, je dois vous conduire à la capitainerie du port pour les formalités. Il y a un message de l’Amirauté pour vous. »
Je pris congé de mes hommes qui bénéficiaient de quinze jours de permission bien méritée. À peine le temps d’oublier leur rude existence et l’inconfort de leur quotidien. Je suivis ce sous-officier jusqu’au bureau où il me fit signer divers formulaires et je lui remis mon carnet de bord. Il me tendit une enveloppe à en-tête du BdU.
« Ils ne perdent pas de temps à Berlin… Déjà une nouvelle mission ? » dis-je en soupirant.
Il s’empressa de rajouter comme pour s’excuser : « Il y a aussi ce paquet de lettres personnelles pour vous Kaleunt… »

« Ordre de mission : le 09/04/194…
Du BdU au Kapitan-Leutnant Schönder

Vous êtes attendu dès que possible au BdU, Quai Tirpitz à Berlin, pour recevoir vos instructions sur les bâtiments qui seront prochainement mis en opération. Vous serez conduit aux chantiers naval F. Krupp Germaniawerft AG à Kiel pour avis technique sur les modifications intéressant les sous-marins type IX…. Vous prendrez contact avec le détachement de la Luftwaffe à l’aérodrome d’Escoublac pour effectuer ce trajet aérien dans les plus brefs délais.
»

Je mis de côté rapidement ce message officiel dont la teneur m’intéressa peu. Des avis techniques, encore de la paperasserie. Ils n’avaient pas besoin de moi pour cela ! J’enverrai mon I-WO à ma place, il avait besoin d’une permission et son avis valait aussi bien que le mien !...
Qu’est-ce que cela signifiait ? On n’aurait donc pas les nouveaux sous-marins promis avant encore des mois ? La propagande officielle nous abreuvait constamment sur l’arrivée des armes secrètes qui allaient changer la donne et on n’en était encore qu’aux essais techniques ? Comment l’Amirauté espérait-elle mettre l’Amérique et l’Angleterre à genou économiquement et militairement avec nos vieux types VII ?
Je gardais pour moi ces considérations. Ce printemps serait encore celui des dupes, on nous rebattait les oreilles avec la victoire finale et les communiqués victorieux se suivaient comme autant de coup de peintures sur une façade déjà lézardée. Pourtant la Wehrmacht cédait partout du terrain, à l’Est, en Afrique du Nord, sur les mers. Un jour le Américains débarquerait, il fallait s’y attendre. Les bombardements sur les grandes villes mettaient à mal les civils, personne n’était épargné. Nous n’osions croire que le cauchemar d’une invasion Russe soit un jour possible…
Un simple sous-marinier pouvait-il inverser le cours de la guerre ? Nous faisions notre devoir sans autre considération, mais sans illusions non plus. Je devais avant tout préserver la vie de mon équipage.

Une douzaine de lettre de ma femme, placée dans une grande pochette cartonnée, me redonnèrent le sourire et devraient occuper ma soirée. Anna pourrait me rejoindre ici quelques jours, voilà qui serait certainement beaucoup mieux.
« Le téléphone est-il en état ici ? » demandais-je avant de partir.
« Oui, Kaleunt, mais seules les communications urgentes peuvent être prises en compte. Les communications personnelles ne peuvent être envoyées avant 22 heures. »
« Mmmm Il est déjà un peu tard…Je me débrouillerai pour faire modifier cet ordre de mission demain … »
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Dim 02 Mai 2010, 19:20
(3ème partie)

Après un rapide passage au bar de l'hôtel Majestic, où il bu quelques verres avec les officiers présents, Schönder prit congé et gagna sa chambre.
Etendu sur son lit, il ouvrit la pochette contenant les lettres de sa femme. Il prit un couteau et incisa les enveloppes avec précaution, savourant le moment de l'ouverture et de la lecture. De l'une d'elle, une petite photographie tomba.

"Erfurt, le 12 février 194...

Liebe Hein,

Mes parents sont repartis à Berlin après être restés dix jours chez nous.
D'après ce qu'ils disent, la vie devient de plus en plus difficile là-bas et l'approvisionnement est compliqué. Le cynisme de l'esprit berlinois habituel ressort de plus en plus, au fur et à mesure des bombardements aériens. Le centre-ville est déjà très abimé mais les nouveaux avions qu'on nous promet pour bientôt vont pouvoir anéantir les bombardiers américains qui attaquent à l'aveugle, sans se soucier de leur cible.
Papa et Maman envisagent de venir s'installer chez nous cet été ce qui m'aiderait beaucoup. J'espère que tu n'y verra pas d'inconvénients ? Je m'occupe beaucoup avec mes amies de l'association d'aide aux blessés et nous confectionnons des colis.

Ici, tout est encore calme à Erfurt. Nous voyons passer les avions anglais qui vont bombarder l'usine Rheinmetall-Borsig à Sömmerda. Mais notre tour viendra sûrement avec l'usine Erma... Le plus tard possible j'espère.
Les enfants n'ont plus peur des explosions qu'on entend la nuit. Il y a souvent des alertes et nous descendons tous à la cave, dans l'abri que tu as aménagé.
Frantz sait presque lire et s'applique beaucoup en écriture. J'espère qu'il pourra être pris à l'école à la rentrée prochaine, mais avec les bombardements, les écoles maternelles risquent de rester fermées.
Quant à Udo, il se débrouille comme un grand, mange tout seul et imite son frère. Ils s'entendent bien et c'est un plaisir de les voir jouer ensemble.

J'ai reçu cette photo de nous que je t'envoie : c'était lors de la réception à l'amirauté à Kiel, pour la remise de ta croix de Chevalier.
Cela me semble déjà faire une éternité !

J'espère que tu auras bientôt une permission pour venir nous voir.
Je t'embrasse ainsi que les enfants.
à bientôt Mein Lieben

Anna"


Le printemps des dupes Schand10

Schönder posa la photographie sur la table de nuit. Il alluma une cigarette et relu le message du BdU lui demandant de se rendre à Berlin.
Un petit sourire aux lèvres, il imaginait la petite visite surprise qu'il ferait à sa famille.
Après tout, il pouvait bien prévoir un petit détour par la Thuringe avant d'aller à Kiel...
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Mar 07 Sep 2010, 21:40
(4ème partie)

Schönder tournait en rond comme un fauve en cage, fumant cigarettes sur cigarettes en regardant sa montre dont les aiguilles semblaient ne pas avancer. Il ne s’autorisait que rarement une cigarette en mer, quand le temps le permettait en surface, et ce sevrage forcé était bénéfique. À terre, les mauvaises habitudes revenaient trop vite.
L’heure du départ approchait. Il attendait le transport qui le mènerait jusqu’à Escoublac puis Berlin, par un transport en Junker 52.
Il n’avait pas pu surseoir à l’ordre de mission qui lui demandait instamment de rentrer à Berlin. « Befehl ist Befehl ». Les ordres sont les ordres. Grandeurs et servitudes militaires rythmaient de tout temps le quotidien du soldat.
Son programme allait être apparemment chargé. Il n’aurait peut-être pas la possibilité d’aller voir sa famille et ses espoirs s’en trouvaient grandement déçus.
De la fenêtre de sa chambre, il voyait toute la baie de La Baule, la grande plage était presque déserte et incitait à la détente et au farniente. Le temps clément permettait de profiter d’un moment de baignade. Pour peu on aurait oublié les rigueurs du temps de guerre.
Il imaginait bien que ses officiers passeraient leur temps à ne rien faire d’autre que boire du champagne et fumer le cigare sur la terrasse ombragée ou dans les fauteuils en cuir rouge de l’hôtel Majestic. Son équipage bénéficierait d’un peu de tranquillité tandis qu’il serait là-bas, dépensant son temps de permission en plaisir faciles et immédiats.
De retour au pays, Schönder aurait bientôt sous les yeux, lui, le triste spectacle des façades éventrées et des démolitions massives, résultat des bombardements alliés à grande échelle. Le glorieux « carpet bombing » destiné à mettre le pays à genou.

On frappa à la porte. Schönder écrasa sa cigarette dans un cendrier et invita le visiteur à entrer. Son véhicule de liaison venait d’arriver pour le conduire à l’aérodrome. Le chauffeur le salua et prit les valises que le Kaleunt lui indiqua d’un geste et le suivit d’un pas rapide, en fermant la porte. D’un petit mouvement de la main, il dit au revoir aux officiers présents dans le hall de l’hôtel et s’engouffra dans la kübelwagen.

Berlin insistait pour qu’il soit de retour pour faire partie d’un énigmatique « groupe d’expérimentation sur les nouveaux modèles de sous-marins ». Cette équipe serait dirigée par l’ingénieur Heller et irait à Kiel suivre le programme d’essai sur la mise au point des « Walter Boote ». Pourquoi lui plutôt qu’un autre ? Les raisons du BdU étaient parfois impénétrables et ce voyage agaçait Schönder qui n’aspirait qu’à fuir la bureaucratie et les officiers d’Etat Major.
Il ignorait tout du détail de ces nouveaux modèles de sous marins, hormis ce que la propagande voulait bien laisser filtrer. On parlait des fameux Walter Boote depuis quelques années comme de la légende du serpent de mer.
Le Kommando Amt, la division de commandement de la marine, était sceptique sur la possibilité de faire fonctionner dans les conditions réelles de combat, un matériel considéré comme révolutionnaire. Elle demandait un capitaine d’expérience pour éprouver le prototype et le tester avant de se lancer dans une fabrication à grande échelle. Les Walter Boots étaient d’une technologie totalement différente de ce qui se faisait et apparaissaient comme révolutionnaires dans leur mode de déplacement. Ils fonctionnaient par apport de perhydrol, en gros de l’eau oxygénée, et laissaient entrevoir une vitesse de 25 nœuds en plongée ! 25 nœuds, en lisant le dossier qu’on lui avait fait parvenir, Schönder avait crû à une erreur de frappe du scribouillard qui avait copié le document… Mais leur autonomie était encore un frein à un développement tactique important.

On parlait aussi des fameux « Elektro boote », ces sous-marins qu’on désignait sous le nom de code type XXIII et Type XXI, capables de filer presque 15 nœuds en plongée, de quoi donner des sueurs froides à n’importe quel commandant de destroyer Anglais ou Américain. Seraient-ils un jour opérationnels ? des sous marins électriques, le schnorchel (un nouveau matériel permettant aux sous marins d’évoluer en plongée longue durée avec ses moteurs diesel, sans avoir besoin de remonter en surface), de nouvelles torpilles, le rêve des sous mariniers allait-il bientôt toucher à la réalité ? Moins bruyants, moins visibles, pouvant ainsi mieux échapper à la vigilance de l'aviation alliée ou de leurs groupes "Hunter Killers", le rapport de force avec l’ennemi pouvait être inversé. Le monde des sous mariniers pouvait changer radicalement la poursuite de la guerre avec de tels engins. Les nouvelles armes dont la propagande vantait chaque jour l’arrivée imminente seraient-elles en mesure de redonner à temps l’avantage à la Kriegsmarine ?
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