Rapatriement

10 février 19.. 20h00, le commandant Girard venait de débarquer de l'hydravion qui l’avait repêché quelques heures plus tôt au large de La Valette. Au petit matin, trois submersibles de " La Flottiglia di Sommergibili " avait pris pour cible le Bonaparte et leur quatre torpilles avaient fait mouche. Mais ces trois capitaines en paieraient le prix un jour…

Jerome alla donc se réconforter au « Petit voilier », il y avait toujours une bonne âme pour taper un brin de causette et vous servir un verre. Racontant sa mésaventure du matin aux piliers habituels du coin, Girard revivait avec ses tripes la perte de son bâtiment et de ses fidèles compagnons.

Un officier anglais qui le cherchait depuis plus d’une heure à la caserne finit par le débusquer au comptoir:

Commandant Girard ?

C’est pourquoi ?

Un message urgent pour vous capitaine.

Ah, déjà! Merci.

C’est avec regret que nous avons appris votre naufrage, et nous savons que vous avez perdus dans celui-ci des amis de longue date!
Nous sommes malheureusement obligés de vous redonner un ordre de mission dès ce jour: vous devez vous rendre au plus vite à Beyrouth où un nouvel équipage vous attend.
Nous avons mis à disposition un avion pour vous et vos officiers dès demain matin. La Guerre est ainsi faite Commandant.

PS: Vous aurez de plus amples renseignements une fois arrivé.

Amiral Muselier.

Voilà plus de 24H00 que l'alerte avait été donnée dans tous les aérodromes de l'Axe au sein de la méditerranée.

Plus aucun avion allié ne pouvait décoller de Malte et le peu qui s'y sont essayé avaient rapidement été détruits par la Luftwaffe et la DCA de la flotte de la Xa-MAS.

La Force K restait seule, totalement abandonnée par ses alliés, à se battre courageusement contre une flotte italienne supérieure en nombre et en armement. Malgré leur abnégation ils ne parvenaient pas à repousser l'ennemi et la situation se détériorait...

La victoire était totale pour la Xa MAS.

On comprend maintenant aisément pourquoi le commandant Girard, premier sang allié de la bataille et unique FANA coulé avant leur départ précipité, était bloqué près de l'aérodrome anglais...

Il faudra trouver un moyen beaucoup plus ingénieux qu'un simple avion pour s'extirper d'un tel trou à rat!

Le lendemain soir...

Toujours accoudé au comptoir du petit voilier, Girard avait la mine grisâtre, celle du genre nuit blanche, celle où vous êtes prêt à avaler n’importe-quoi, pourvu que vous oubliiez les atroces images qui vous hantent encore….
Et ce pilote anglais qui depuis ce matin refusait de décoller sous prétexte qu'il y ait plusieurs navires de guerre à quelques encablures de l'île:

Quelques encablures! Mon œil! Ils sont à plus de 100 km des côtes! Il fait nuit! Vous croyez vraiment que votre coucou va se faire abattre?

On ne sait jamais Capitaine! Si je suis encore en vie aujourd'hui, c'est grâce à ma prudence. isn't it....

C'est pas le courage qui t'étouffe Dis donc ! J'te dit que ton coucou est hors de portée, les anglais nous ont indiqué leur position, il suffit de les contourner bordel!

On dit que les italiens ont mis au point une visée laser très perfectionnée qui dépasse de loin tous nos radars! isn't it...

On dit aussi qu’les Schleus font tous 2 mètres et 100 kilos ! T’y crois ? J’ai même entendu ce matin qu’les froogggieeesssss, comme vous dîtes, embarquent des grenouilles sur leur rafiot tellement qu’ils en raffolent ! Ca vous tourne le ciboulot de rester sur cette île en petit comité! Vous devenez complètement paranos!

Vexé! Sir William Grants attrapa Girard par le colback :

Maudit français! Vous êtes tous les mêmes! Toujours plus malin que les autres!

Sur ce, Grants lacha Girard qui était encore tout étonné de ce sursaut d’orgueil du british qui paraissait pourtant si inoffensif au premier abord.
……
Deux heures plus tard…

Girard terminait son énième bouteille de cette journée interminable, les paupières de plus en plus lourdes, il était à deux doigts de s’effondrer de fatigue… Quand un coup de klaxon le fit tressauter:

Montez!

Se décollant péniblement les yeux, Girard reconnu vaguement ce bon vieux Grants qui lui faisait signe! S’approchant tant bien que mal, il monta tel un somnambule dans ce vieux side-car qui démarra en trombe, manquant d'offrir de justesse une gamelle mémorable.

Ou m’emmenez-vous?

L’anglais était concentré et filait à vive allure, il bifurqua et s’arrêta net.

Ici! On décolle!