US Scouting Squadron & Fleet

Il est 7h15. Déjà une intense activité règne sur la base d’Espritos Marcos, plusieurs gradés doivent en effet tenir une importante conférence avec le général Moore. Les amiraux Nimitz et Chester sont attendus d’un moment à l’autre. Les deux chefs de la flotte du Pacifique doivent atterrir d’ici quelques minutes en provenance de l’Australie pour Nimitz et Nouméa pour Fletcher.

Amiral de la flotte Nimitz

Le lieutenant Bird, secrétaire du colonel Lard, stoppe le moteur de sa Jeep. Le colonel l’a envoyé pour conduire les deux amiraux auprès du général Moore. Le lieutenant regarde sa montre. Il est 7h17. Il a le temps de faire un saut à la tour. Le colonel lui a aussi demandé de rapporter le rapport de mission de la 214^ème escadrille sur les combats en mer de Corail.

-          Bonjour, capitaine. Le colonel Lard m’envoie chercher le rapport de Boyington sur les combats de la 214^ème.

-          Bonjour Bird. James, on a le rapport de Vella La Cava ?

Le sous-lieutenant Green se redresse et fouille rapidement une pile de rapports reçus depuis hier soir.

-          Non, capitaine. Le lieutenant Casey devait nous l’apporter hier soir lors de sa rotation depuis la base de la 214^ème, mais son vol a été annulé.

-          Annulé ? Qu’est-ce que vous racontez ? Je n’ai pas été mis au courant !

-          C’est le général Moore, capitaine. Son bureau a appelé hier soir pour annuler le vol du lieutenant Casey.

Bon, Lard va encore se mettre à râler et à être bougon toute la journée, se dit le lieutenant Bird, la journée va être longue, tiens !

Alors qu’il retourne à sa jeep, un vrombissement lointain se fait soudain entendre. En levant les yeux vers le ciel, il aperçoit la silhouette d’un Douglas C-47, l’un des appareils de transports des armées américaines.

7h32, ça doit être mes passagers qui arrivent, pense le lieutenant.

Porté par ses deux moteurs Pratt&Whitney, le C-47 s’aligne sur la piste et commence à perdre de l’altitude avant de se poser et de rouler tranquillement jusqu’au bout de la piste. Quelques secondes plus tard, la porte de l’appareil s’ouvre et un membre de l’équipage descend l’échelle. Le lieutenant Bird parcourt les quelques mètres qui le sépare de l’avion pendant que deux passagers descendent les quelques barreaux de l’échelle. Le lieutenant salue comme il se doit les deux amiraux.

-          Messieurs, je suis le lieutenant Bird, secrétaire du colonel Lard. Je dois vous conduire jusqu’au général Moore.

Les trois hommes s’installent à bord du véhicule. Le lieutenant démarre le moteur et s’élance en direction du bâtiment où l’attendent le général Moore et le colonel Lard.

-          Avez-vous fait un agréable voyage ? demande le lieutenant à ses passagers.

-          Oui, il a été calme, aucune attaque des japonais sur la route, répond l’amiral Fletcher. Nous aurions pu nous passer de l’escorte.

-          Le général Moore vous attend. Il a demandé que l’on vous serve un petit-déjeuner avant de commencer la conférence.

-          Très bonne idée qu’a eu là Thomas, se réjouit l’amiral de la flotte Nimitz. Dîtes moi, est ce que les vice-amiraux Tuckson et Wanatabé sont arrivés ?

-          Les vice-amiraux ? Je ne suis pas au courant amiral. Le colonel Lard ne m’en a pas informé.

La Jeep arrive devant le bâtiment du général. Celui-ci attend ses invités en compagnie du colonel Lard.

Amiral Fletcher

A suivre…   

-   Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à Espritos Marcos. Le général Moore vous attend.
-   Merci Colonel. Votre lieutenant n’a pas su nous dire si Tuckson et Wanatabé sont déjà présents pour la conférence.
-   Ils doivent arriver d’ici une petite heure, amiral, un orage à Vella La Cava a retardé le décollage de leur avion.

Le général Moore reçoit les deux amiraux autour d’un petit-déjeuner. Croissants et petits pains, pancakes ou encore bagels accompagnés de plusieurs confitures, côtoient les inévitables muffin à la myrtille. Une secrétaire s’occupe de servir le café aux deux amiraux, tandis que le général s’assoie confortablement après avoir choisi une pomme et une provision de muffins. L’amiral Frank Fletcher choisit plusieurs pancakes, tandis que Chester Nimitz opte pour un simple croissant.
Très rapidement la conversation s’oriente vers la nouvelle bataille de la mer de Corail.


-   Il faut croire que les Japonais n’ont pas renoncé à envahir l’Australie, une telle concentration de bâtiments ennemis dans cette zone ne peut avoir un autre objectif. Qu’en pensez-vous, Thomas ?

-    Je ne pense pas que les Japonais envoient autant de navires pour étudier la barrière de corail, Frank. Néanmoins, nos services de renseignements n’ont pas réussi à déterminer si l’Australie est toujours la cible des forces japonaises. Toutefois, et ce n’est que mon avis personnel, je ne pense pas que l’Australie soit la cible d’une invasion japonaise. Je suis persuadé qu’ils veulent occuper la Nouvelle-Guinée, ou même la Nouvelle-Calédonie.
-    Autrement dit, couper nos lignes avec l’Australie, résume Fletcher. Chester, qu’en penses-tu ?

Alors plongé en pleine lecture d’un rapport posé sur la table, sa moitié de croissant dans la main droite et son café dans la gauche, l’amiral Nimitz relève la tête et pointe un regard interrogateur sur les deux hommes.

-   A ce propos, voyez ce que le gouvernement australien vient de faire afficher une nouvelle fois partout dans le pays.


De retour dans son bureau, le colonel Lard appelle son aide de camp, le lieutenant Bird. Celui-ci, habitué au caractère particulier de son supérieur, s’empare du rapport du stock de munitions et de carburant que l’escadrille 214 vient d’envoyer. Lard, qui justement voulait ce rapport, se rassoie et marmonne « pour une fois, Boyington est à l’heure ».
-    Bird, vous informerez l’intendance du ravitaillement en pièces détachées de la 214^ème. Ils ont plusieurs Wildcat au sol.
-    Bien Colonel. Il y a aussi le Commandant Caine qui souhaite vous entretenir.
-    Qu’est ce qu’il y a encore à l’infirmerie ?
-    Je ne sais pas Colonel, le Commandant a appelé pour savoir quand vous étiez disponible.
-    Bon, j’irai le voir dès que Boyington et les amiraux Tuckson et Wanatabé seront là. D’ailleurs pourquoi leur appareil n’est pas encore là ?
-    Un orage Colonel. Leur avion a dû attendre avant de décoller.
-    Un orage ? Vous vous foutez de moi Bird ! Avez-vous lu le rapport météo ?

A bord du C-47 qui les emmène à Espritos Marcos, le capitaine Wilson accompagne les vice-amiraux Tuckson et Wanatabé qui doivent participer à une importante conférence. Au départ, seuls le général Moore et l’amiral Fletcher devaient y être, mais depuis la nouvelle bataille en mer de Corail, l’amiral Nimitz, le big boss, a tenu à en être. Le commandant Boyington, qui dirige la 214^ème escadrille est aussi présent dans l’avion. Ses pilotes et lui ont joué un rôle primordial dans le repérage de la flotte nippone.  John Wilson écoute la conversation entre les trois hommes. Enthousiasmés par la réussite de la coopération air/mer, ils échafaudent de nouvelles stratégies pour attirer les forces navales ennemies et enfin envoyer leurs quatre cuirassés Yamato et Kongo au fond du Pacifique.

-          Greg, Barback est impossible ! A force de lui courir après nous avons plus d’une heure de retard.

-          Eh, James, tu oublies que ce n’est pas mon chien, mais celui du général. Thomas me l’a donné le temps que la pauvre bête s’adapte. Elle ne supporte pas l’ambiance au QG.

-          Ça va Soupe au lait, on a encore un peu plus de trente minutes avant d’atterrir, interrompt Sonny Tuckson. Jim, crie-t-il à destination du pilote, baisse un peu le son de ta radio ! Si j’entends encore une seule fois Rum and Coca Cola, je termine le voyage à la nage !

Wilson, en train de terminer son classement du dossier Bibendum, ne peut s’empêcher d’esquisser un sourire en coin en entendant l’affectueux surnom du vice-amiral Wanatabé. Enfin, un de ses surnoms. « Soupe au lait » dispute le titre de surnom en chef avec « le Professeur ». Faut aussi dire qu’avant d’être affecté sur le croiseur Cleveland de Tuckson, John avait débuté la guerre en tant que sous-officier de liaison dans le sous-marin USS Phoenix du Commandant Wanatabé. Le vice-amiral Wanatabé désormais… mais, au passage, quel âge il a maintenant, songe Wilson. Il était déjà en poste sur l’USS Truxtun à Brest en décembre 1917, comme le montre certaines de ses nombreuses photos qui décorent ses quartiers à bord de son croiseur USS Phoenix CA-222. Faut aussi expliquer que c’est grâce au Professeur que John est maintenant capitaine ; c’est aussi grâce à lui si John est désormais un excellent cartographe…

Les trois officiers ont cessé de s’asticoter et, maintenant que le son de la radio ne sort plus du cockpit, ils vont revoir une dernière fois ce fameux dossier Bibendum.  D’ailleurs, d’où est-ce que ça vient ce nom-là se demande-t-il. Bibendum, encore une idée farfelue du vice-amiral Tuckson. Enfin, moi, plus rien ne m’étonne de sa part. Pas étonnant qu’il s’entende si bien avec Boyington, c’est une vraie tête brûlée lui aussi. D’un côté, pour être coureur automobile faut l’être. Ce qu’il peut être… ennuyant, quand il se met à raconter ses exploits au rallye de Monaco 1934 et 1935. D’accord il a gagné en 34 et termine second l’année suivante… mais bon, ce n’est pas comme s’il ne pouvait pas courir en restant aux USA !

Hotchkiss AM 80S de Gas et Trevoux ayant remporté le Rallye de Monaco en 1934

Enfin c’est une autre histoire, et John doit rapidement reprendre ses esprits, il doit être attentif et noter la moindre idée pour faire de la conférence d’aujourd’hui 29 avril une réussite.

Quelques minutes plus tard, Jim annonce aux quatre passagers qu’Espritos Marcos est en vue et que l’appareil va se poser d’ici une poignée de minutes. John s’empresse de reclasser l’ensemble de documents, rapports et cartes dans le dossier Bibendum.

Alors que les roues de l’appareil touchent à peine la piste, John referme le dossier et l’attache avec le petit élastique afin d’être certain qu’un document ne tombera pas. William, un membre de l’équipage qui venait de communiquer aux passagers un message de la base, entraperçoit une curieuse image.

https://www.naval-history.net/WW1Book-USOnTheCoast.htm