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Enrique di Castello
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Les fabuleuses dérives du commandant Cornelitz Empty Les fabuleuses dérives du commandant Cornelitz

Sam 19 Mai 2012, 03:29
Les fabuleuses dérives du commandant Cornelitz et de ses hommes, ou le destin : cette sacré blague





Première partie intitulée : La camelote de Sahid




C'était une nuit comme les autres dans cette partie de la Mer Rouge. Depuis quelques temps, une immense armada alliée parcourait ses eaux. Les pauvres italiens de Massoua atterrés voyaient chaque jour défiler le long de leur côte des cuirassés de toutes nationalités, ainsi que de nombreux croiseurs et une multitude de destroyers. Depuis quelques temps aussi, de brefs et violents combats opposaient cette flotte contre les courageux navires italiens qui partaient avec résignation défendre l'honneur de leur pavillon, car jamais ils savaient impossible de triompher d'une telle puissance de feu. Mais ça aussi c'était devenu une habitude, et tout cela n'était plus que routine.

Ainsi, cette nuit comme les autres, la flotte alliée mouillait au large de Massoua, imposant son blocus routinier. Dans la rangée de navires les plus au large, nul bruit de tir ou d'explosion venu de la terre ne troublait le silence de la nuit. Vers les deux heures du matin, les hommes de quart fumaient tranquillement sur la passerelle des différents navires. Le calme régnait en maitre. Pourtant, vers les 2h du matin, le bruit étouffé d'une explosion gronda sur les eaux calmes. La seconde d'après, l'écho de l'explosion fut répété sur les eaux calmes susditement citées, et une sorte de rôt exhalé par les entrailles métalliques d'un des navires de la flotte, sous la forme d'une boule de feu brève mais brillante, illumina la nuit.
Malgré l'explosion et la colonne de feu, l'alerte fit long feu. On identifia rapidement le navire responsable, et immédiatement les plus anciens se calmaient et retournaient flâner sur le pont. A bord de quelques uns des navires alliés, un de ces marins avertis expliquait aux nouvelles recrues émotives la cause de tout ce chahut :


"Ça doit encore être l'alambic du "Jean Bart" qui a sauté."


En effet, il était de notoriété publique que le commandant Jedediah Cornelitz avait fait installer dans les immenses cales de son croiseur lourd une distillerie clandestine d'armagnac, et qu'il troquait sans vergogne avec toute la flotte, quand la consommation de son propre équipage ne suffisait pas à épuiser la cargaison. Malgré cela, le "Jean Bart" était l'un des fleurons de la flotte française libre, un gigantesque classe Algérie aux tourelles de 203 fièrement dressées, comme un signe de défi au Divin. Cette redoutable machine de guerre était parfaitement entretenue, et servie par un équipage d'exception. Seulement, le commandant tenait à ce que chaque changement de quart soit une fête, et cela se savait dans la flotte. Son installation avait également la réputation de sauter sans arrêt, et il était monnaie courante d'entendre l'alambic exploser à toute heure du jour ou de la nuit. Aussi, quand au cours de cette nuit comme les autres la distillerie sauta encore, nul ne s'en alarma.

Pourtant, la situation était cette fois bien différente. Quand l'équipe de lutte contre les incendies, le corps d'élite du navire si l'on considère le nombre de ses interventions, arriva dans la cale, ce fut le capitaine Cornelitz qu'on trouva seul étendu au milieu de débris métalliques, des tuyaux fondus, et de l'armagnac en feu. Voulant "s'en jeter un petit avant de dormir", le commandant s'était aventuré seul dans l'obscurité à la recherche du robinet de la cuve, et par des tâtonnements malheureux, avait causé la surpression de l'appareil, jusqu'à le faire exploser.
Remonté des entrailles maintes fois roussies du croiseur, le commandant fut transporté à l'infirmerie où il fut prit en charge par le médecin de bord, heureusement le seul homme du bord qui ne buvait pas. Son état étant jugé très préoccupant, le "Jean Bart" appareilla vers le port le plus proche équipé d'un hôpital digne de ce nom, ce port étant la rade anglaise d'Aden.

C'est ainsi que le commandant Jedediah Cornelitz fut admit au General Military Hospital d'Aden, souffrant de multiples lacérations et perforations dues aux éclats, ainsi que plusieurs brûlures importantes sur le torse. Furieux contre lui-même et rendu quelque peu agressif par les antidouleurs, le commandant jurait à longueur de journée en voyant par la fenêtre son navire paralysé par sa faute, et jura qu'il ne boirait plus jamais avant d'aller dormir.
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Enrique di Castello
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Dim 07 Oct 2012, 00:14
Seconde partie intitulée : Un zèle imbécile



Dans les jours qui suivirent, l'humeur du commandant n'alla pas en s'améliorant. Il se trouva face à deux problèmes de taille. L'un, le rapport médical le déclarant inapte au service. Impossible de faire du charme à l'infirmière en chef, il n'y avait qu'un major anglais à moustache qui pouvait le faire sortir d'ici, et les deux hommes s'étaient tout de suite déplu à la première visite. Jedediah avait en effet rarement apprécié le snobisme, ou plutôt on lui avait apprit à admettre sa futilité, et le major à moustaches n'en manquait pas. Cloué au lit il était, avec les multiples séquelles de l'explosion et chaque membre douloureux, et son fier "Jean Bart" qui s'ennuyait tout seul dans la baie. Il enrageait d'autant plus qu'après si peu de temps à ses commandes, on lui avait donné peu d'espoir de conserver son poste en première ligne. L'autre problème était l'enquête militaire ouverte sur les causes de son admission, et forcement, les gars du bureau ont moins de tolérance que le commandant Lafleur en ce qui concerne les habitudes des capitaines de la marine française libre. Dès son réveil, c'était non pas une superbe et plantureuse infirmière anglaise qui était à son chevet, mais un petit homme tout sec, suant dans un costume très strict malgré l'écrasante chaleur, une serviette de cuir vissée entre les mains, qu'il serrait nerveusement. Le fonctionnaire lui indiqua sèchement que l'enquête démarrait mal pour lui, bien plus de par les circonstances de l'accident plutôt que par ses conséquences.

En définitive, le commandant Cornelitz était déclaré inapte au service actif. Malgré les consignes, le commandant Cornelitz réussit tout de même à faire le mur comme un collégien et rejoignit en boitant son navire et ses hommes, pour préparer une version collective de l'accident, qui lui épargnerait des ennuis avec la justice militaire. Après avoir fêté sa rémission et terminé les stocks d'armagnac sauvés des flammes, il réintégra son lit à l'aube. Malheureusement ce dernier était occupé par celui d'un soldat d'artillerie dont un obus trop proche avait sérieusement ébranlé la cervelle, au point de ne pas lui faire reconnaitre sa chambre. Dépité, le commandant avait circulé le restant de la nuit dans l'hôpital, continuant de célébrer en hurlant sa rémission, une bouteille à la main et une canne de l'autre, jusqu'à ce que d'une piqure bien placée, l'équipe de nuit ne le maitrise après beaucoup de peine.
Cet incident, et la concordance agaçante entre les témoignages des marins contribuèrent très probablement à agacer le petit fonctionnaire tout sec, qui dès lors, faute de preuve concrète, poursuivit de sa rancœur le commandant Cornelitz et le "Jean Bart" pendant longtemps, au nom de la France cela va de soit.

Un mois après son arrivée à Aden, le commandement du "Jean Bart" lui fut retiré. Ce fut un coup très dur au moral de l'ex-commandant, tant il était fier de conduire un tel monstre d'acier. Mais il le savait lui-même, il ne pouvait plus commander le croiseur, il souffrait encore terriblement, des jambes et de ses brulures. On le vit à partir de ce jour souvent flâner sur le port ou sur les hauteurs d'Aden, regardant le large comme un chien observe un os. Par dessus tout, il ne supportait pas l'inactivité. Le "Jean Bart" avait reprit la mer, sous le commandement d'un autre homme, largement aussi compétent que lui, mais ce n'était pas lui hélas. Pour la première fois séparé de ses marins fidèles, ceux avec qui il avait fuit la France qui s'était rendue, il s'ennuyait à mourir. Un jour, par dépit, il avait envoyé une lettre à l'Amirauté, via le 43 rue de Constantine, dans laquelle il réclamait un commandement, quel qu'il soit, n'importe lequel, pourvu que le laisse reprendre la mer et continuer de participer à cette foutue guerre. Mais il ne se faisait guère d'illusion. Capitaine à terre est une situation terrible. Ayant rejoint Djibouti cinq jours après son retrait de commandement, il y entendait les récits des exploits de ses camarades de flotte, toujours plus intrépides et redoutés, mais il ne faisait plus partie de l'aventure, tout ça à cause d'une patte foutue et d'un dos qui grince. Régulièrement, ses plaies s'ouvraient, il saignait à torrent, il repassait sur le billard, puis il reprenait ses marches sur la grève, soupirant et suant sous l'écrasant soleil d'Afrique. Il en maigrissant, et fumait à présent plusieurs fois par jour, alors qu'un paquet lui durait un mois et demi par le passé.

Et puis, tout d'un coup, près de deux mois après l'explosion de l'alambic dans les cales du "Jean Bart", une lettre tomba de l'Amirauté, et contre toute attente, sa démarche avait aboutit. Le commandant Cornelitz aurait accepté n'importe quel commandement, mais il devait bien admettre que ce qu'on lui proposait là, il n'aurait jamais pu l'imaginer. Il fixait d'un air sidéré le papier à peine décacheté devant la réceptionniste de l'Amirauté de Djibouti. Aussi désemparé qu'un gosse dans une ville inconnue, il se mit en quête d'un supérieur, comme d'un adulte dont il espérait des réponses, tant il concevait avec difficulté le commandement en question.
Mais l'amiral en poste ne put que lui confirmer ce que disait, somme toute assez sèchement, son ordre de mission : il était transféré dans la marine de guerre brésilienne, en qualité de commandant de cargo. On avait beau lui expliquer que ces derniers manquaient cruellement d'un ravitailleur, que son expérience comme capitaine de flotte comptait, que cela lui donnerait le temps de guérir ses blessures, il n'arrivait pas à trouver de réponse à la question "pourquoi lui ?". Ce ne fut que quand l'amiral le congédia sèchement d'un "De toutes façons il n'y avait rien d'autre" qu'il comprit que son destin était tout tracé. Avec un sourire, l'amiral lui remit un dictionnaire de traduction français-portugais, son ordre de mission dans un imposant porte-document relié, un énorme sac de dépêches qui devraient voyager dans le même avion que lui, sans compter un bref encouragement pour la suite de sa carrière, avant de conclure en lui rappelant qu'ainsi, il servait indirectement la France, ce qui ne le rassura pas beaucoup. Le voyage promettait d'être long.

A bord du long courrier qui l'emportait vers Casablanca, il maitrisait déjà la plupart des jurons courants en brésilien. Au cours de la traversée jusqu'en Amérique Latine à bord d'un paquebot rapide, il s'occupait l'esprit en perfectionnant les plans de la distillerie clandestine qu'il comptait bien installer à bord de son cargo. Car malgré toutes ses bonnes paroles, le commandant Jedediah Cornelitz comptait bien continuer à s'en jeter un petit avant d'aller dormir.
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Mar 01 Nov 2016, 23:52
Troisième partie intitulée : Rio-******* via Bergen





C'était sans doute la bêtise de trop.

En ce premier jour de novembre, l'amiral Cornelitz venait de reprendre la cigarette. Dans le petit bourg qui s'était établi près de la base navale soviétique de Norvège, les militaires autochtones n'en finissaient pas de se tordre l'esprit pour tenter de deviner à quelle nation pouvaient bien appartenir ces étonnants uniformes qui se promenaient nombreux en ville dernièrement. Très nombreux même, il y en avait dans tous les coins, une affluence comme on en avait jamais connu. Et pas moyen de leur faire cracher le morceau avec ça, ces drôles de gars causaient un patois in-com-pré-hen-sible pour les gens du cru, une langue qui trainait dans les consonnes avec des "aaaoooooo" et des "tchaaooo" à tout bout de champ. On savait juste qu'ils étaient logés dans des bâtiments réquisitionnés par le haut commandement du port, et qu'ils étaient franchement mal à l'aise dans le froid norvégien de ce début d'hiver. Très franchement mal à l'aise.

Effectivement, seule l'Amirauté russe savait ce que trafiquaient ces loustics là, et se gardait bien d'en dire plus, la honte scellait leurs lèvres.


Un hôte tel que l'amiral Cornelitz est assez encombrant. Non seulement il débarque sans un sou vaillant, à pied, mais surtout accompagné par deux-mille-trois-cents marins. Deux-mille-trois-cents ! Le long de la côte norvégienne, à seulement quelques kilomètres à l'Ouest, posée sur un haut-fond, l'épave du Jaguatirica finissait de brûler. Le commandant Cornelitz et ses gars avaient fini en camion les derniers kilomètres d'un voyage qu'ils avaient commencé à bord du vieux cuirassé, six mois plus tôt et à des milliers de kilomètres de là. Une triste fin, sans gloire, pour l'unique voyage du plus vieux bâtiment en service de la Força Naval Brasileira. Tombé dans une embuscade au large de Bergen par une force de 4 croiseurs lourds et quatre croiseurs légers italiens, le groupe expéditionnaire brésilien n'avait pas fait grande figure, n'alignant que deux destroyers américains vieillissants, deux submersibles et un vieux cuirassé, un si vieux cuirassé que lorsqu'il fallut gagner de vitesse ces croiseurs ennemis modernes et si nombreux, nul n'avait longtemps gardé ses illusions. Les moteurs à triple expansion, totalement ridicules face aux turbines modernes, furent néanmoins poussés à fond pendant plus d'une semaine, une folie, tandis que le vieux cuirassé léchait les plaies de l'embuscade. A l'horizon, la colonne italienne s'était inexorablement rapprochée, jusqu'à ce que, sans avoir tiré un seul coup de canon contre ses opposants, l'amiral Cornelitz donne l'ordre d'évacuer le navire. Une heure après cet ordre, le navire-amiral du Brésil était la proie des flammes.

Une fois les rescapés secourus par les garde-cotes soviétiques, une immense machine administrative s'était mise en route, il fallait statuer sur le sort des milliers de brésiliens à l'autre bout du monde, et celui d'un capitaine sans navire, devenu bien encombrant. Des années durant, le commandant Cornelitz avait assuré un rôle ingrat : assurer la suprématie navale d'une nation aussi gigantesque que sa marine était ridicule. Hélas, les effectifs et le matériel avaient cruellement manqué dernièrement, l'effort de guerre américain s'était concentré sur le front Pacifique, et fournir une nation alliée en matériel moderne n'était plus la priorité. Avec une poignée de fidèles de plus en plus réduite, il avait fait son possible pour assurer sa fonction au début, mais très vite le nouvel amiral cessa de se faire des illusions sur sa fonction, la gestion de la flotte ne suivant plus, le commandement fit rapidement de même. Après un éphémère succès en Manche avec une meute de sous-marins archaïques, l'amiral demanda sa mutation sur le vieux cuirassé Jaguatirica, avec pour ambition le projet démentiel de participer à la lutte le long des côtes de l'Europe du Nord, préparant avec des officiers russes une campagne de collaboration russo-brésilienne absolument délirante, qui venait juste de s'achever comme on le sait.
Les éléments survivants de la FNB se repliaient comme ils le pouvaient, la glorieuse flotte de haute mer du Brésil se résumait à présent à un destroyer et deux submersibles. Autant dire que le commandant Cornelitz ne fut pas félicité pour ses actions.


Tandis qu'on organisait le rapatriement des 2300 marins du cuirassé classe Minas Gerais, l'amiral Cornelitz fut transporté à Londres par un convoi de ravitaillement puant le mazout et le phoque, qui le rendit malade pendant huit jours, avant d'être reçu à l'ambassade du Brésil pour y recevoir ses instructions. L'ambassadeur qui reçut le commandant fut assez... désagréable avec ce capitaine tout chifonné, un teint de papier mâché et les yeux creux, et sentant très fort le phoque. Après s'être fait copieusement injurier pendant un quart d'heure, ledit capitaine se vit informer qu'on lui retirait son poste ainsi que son grade dans l'attente de la fin de l'enquête, qu'en somme il était viré comme un malpropre. Depuis, il rongeait son frein, son vieil uniforme d'amiral lui permettant au moins de se faire payer à boire gratis tandis qu'il racontait ses malheurs.


La machine militaire mit un temps fou à statuer sur son sort. Il faut dire qu'il devait cesser d'intéresser beaucoup de monde, ce transfuge inepte. De plus, l'enquête avait fini par déterminer qu'un alambic clandestin défectueux avait pu être la cause d'une explosion aggravante lors du « combat » contre l'ennemi italien, autant dire qu'il était mal barré. Et puis finalement, il fut convoqué à l'ambassade, où le représentant du Brésil pour la Marine le reçut avec un sourire du type de ceux que l'on fait quand on se coince les doigts dans un moule à gaufre.
A moitié dépressif, le commandant Cornelitz s'écroula dans un fauteuil, tandis qu'il se faisait expliquer avec des mots très simples que le Brésil demandait la rupture de son contrat militaire, en somme on le virait comme une merde, et sans politesse. En conclusion, l'ambassadeur lâcha un « bon courage » avec un geste de la main, comme s'il chassait une mouche particulièrement agaçante, puis se tournant vers la porte, il lança ces mots : « Il est à vous amiral, faites en ce que vous voulez mais enlevez-le de ma vue. »

En pivotant sur sa chaise, l'ex-capitaine Cornelitz eut un hoquet assez grotesque et bondit du siège, bafouillant un garde-à-vous d'un autre âge, d'une autre époque de sa vie. Mince, l'amiral Muselier en personne ! Le vieux guerrier se tenait appuyé dans l'encadrement de la porte, manifestement très amusé par la scène qui se passait devant lui, et il rendit son salut en riant. « Tout doux, Cornelitz, jusqu'à ce soir 20h nous avons le même grade, profitez-en. Allez, venez. »


La suite des événements demeura très confuse pour l'ex-ex-capitaine Cornelitz. Il ne reprit ses esprits que le lendemain, dans la carlingue d'un très vieux long courrier diplomatique bringuebalant, encore sous le choc de la journée qu'il venait de vivre. L'amiral Muselier l'avait conduit dans un endroit familier, la base opérationnelle des FFL à Portsmouth, avec le vieux cuirassé Coubert servant de navire-école aux jeunes marins des Forces Navales Françaises Libres. La simple évocation de ce nom avait réveillé chez le capitaine Cornelitz un puissant sentiment de nostalgie. Assis d'une fesse sur son bureau, l'amiral Muselier avait été aussi expéditif que l'ambassadeur brésilien, en cela qu'il l'informa, tout de go, qu'il rentrait au bercail. L'amiral Auphan, commandant la force française nouvellement réorganisée, avait déjà demandé via le 43 rue de Constantine à Alger son intégration au sein de la Force Raid de l'Atlantique, où il retrouverait d'anciens, très anciens camarades du temps de la FANA, au tout début de la résistance. L'amiral lui tendit une liasse de documents, un bon pour un nouvel uniforme des FFL, ainsi qu'un sac de courrier pour *****, où il devait retrouver la flotte. Il lui souhaita bon voyage et l'abandonna là, la bouche encore ouverte tant il était sur le cul. Jedediah ne fut jamais aussi heureux d'avoir été renvoyé.



Fumant comme un camion dans la carlingue surchauffée qui volait tant bien que mal vers le soleil méditerranéen, Jedediah Cornelitz était la proie à de très nombreux sentiments contradictoires. D'un coté, il abandonnait malgré lui de vieux camarades de galère, ceux qu'il avait réussi à garder autour de lui quand il commandait encore à une toute flotte moribonde. C'étaient des braves, au moins aussi acharnés et porteurs d'un zèle imbécile dont il était familier, il aurait aimé leur dire au-revoir à tous, se battre à leur coté aussi, mais la guerre l'appelait ailleurs et malgré tout, il en était ravi. Car d'un autre coté, il s'en retournait vers tant de souvenirs délicieux... Il se revoyait, fuyant la police militaire avec le commandant Lafleur et d'autres, après un échange frauduleux de marchandises interdites dans les ruelles d'Alger, pour finir en sueur et hurlant de rire au 43 rue de Constantine, et se promettant de recommencer le lendemain. La distillerie clandestine dans le Jean Bart, la camelote de Sahid, l'accident, le transfert dans la marine du Brésil, il se souvenait de tout. Et il avait hâte de boire à nouveau de l'armagnac distillé au mazout, le citron vert commençait à lui donner des aigreurs. Il emmenait avec lui des souvenirs du Brésil pour tous ses vieux camarades : Jérôme le Corse, Fanch, Gaby, Lucas, George, Louis, le père Lafleur... A lui les douceurs de l'Orient !
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